Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Parachèvement du règlement du passif humanitaire Solder les comptes du passé

altA l’occasion de sa réunion du jeudi 2 mai, le gouvernement a suivi et adopté une communication relative au règlement du passif humanitaire dont furent victimes des membres des forces armées nationales (armée, gendarmerie et garde nationale). Dans une démarche exclusivement politique, le pouvoir, aux commandes du pays, depuis le 6 août 2008, jette un regard sur le rétroviseur et tente de solder les nombreux comptes d’un passé douloureux, au sein d’une Grande «muette» qui a pris la fâcheuse habitude de faire entendre sa voix, à travers les coups d’Etat, depuis un certain 10 juillet 1978 de triste mémoire. Commentant la nouvelle, à l’occasion d’un point de presse, le ministre de la Défense nationale, Ahmedou Ould Ideye Ould Mohamed Radhi, a indiqué que la décision du gouvernement a été prise sur la base d’instructions du président Mohamed Ould Abdel Aziz, avec, pour objectif, «d’engager le pays sur la voix d’une véritable réconciliation». Ce qui suppose «des mesures concrètes, en vue du règlement, apaisé, de tous les différends qui, sous les régimes précédents, ont ébranlé la cohésion nationale et entravé la marche du pays vers le progrès». En fait, dans l’optique du pouvoir, la communication du week-end dernier visant le «parachèvement du règlement du passif humanitaire», au sein de l’armée, apparaît comme la suite, logique, du discours historique du chef de l’Etat, prononcé, à Kaédi, le 25 mars 2009. Une allocution suivie de la «prière pour la mémoire des absents», victimes des orgies sanguinaires qui perdirent la mesure de tout sens humain. Cette première étape fut suivie de la mise en place, par le ministère de la Défense nationale, d’une commission «chargée de trouver une solution, globale et définitive, aux problèmes liés aux différents événements qui ont secoué les forces armées nationales», pendant les années de référence. Dans le cadre de ses investigations, la commission a engagé de larges enquêtes, avec les états-majors de tous les corps concernés, une opération de vérification, la mise en état des listes, l’évaluation de tous les préjudices et la classification des cas de 974 militaires. Au-delà des réparations aux familles des militaires négro-mauritaniens arrachés à la vie, par des exécutions extrajudiciaires, entre septembre 1990 et février 1991, le gouvernement compte, également, «alléger les souffrances» de ceux qui ont été rayés des effectifs de l’armée, de la gendarmerie nationale et de la Garde, pour diverses raisons, mais invariablement privés de toute pension de retraite, entre 1980 et 2004, 24 longues années, donc, couvrant les règnes des colonels Mohamed Khouna Ould Haidalla et Maaouya Ould Sid’Ahmed Taya.

 Coffre-fort sollicité pour 1,2 milliard Les différentes catégories de militaires concernés par les nouvelles mesures d’indemnisation, suivie de l’octroi d’une pension de retraite, appartiennent aux groupes suivants: en un, les victimes d’exécutions extrajudiciaires dont le seul crime était leur appartenance ethnique, dans un contexte de vive tension avec le Sénégal. En deux, les acteurs des tentatives de coup d’Etat du 16 mars 1981 et du 8 juin 2003; en trois, les complots de 1987 et 2004. Pour faire face aux engagements, une enveloppe globale de 1,2 milliard d’ouguiya est prévue. Un montant d’un peu plus de 850 millions devrait, ainsi, servir à boucler les procédures d’indemnisation déjà engagées, en faveur, notamment, des ayant-droits des victimes d’exécutions extrajudiciaires, fin 1990-début 1991. Une pension généralisée de retraite sera attribuée, à titre exceptionnel, aux militaires et officiers ne totalisant pas quinze années de service effectif. Cette nouvelle étape, dans le processus global de règlement du passif humanitaire, intervient après une série de frémissements et signaux. Exit le négationnisme? Le plus récent de ses signes fut l’annonce du gouvernement, le 18 mai dernier, d’une vaste opération de localisation des sépultures de tous les individus disparues dans des conditions «ambiguës», depuis l’indépendance. Cette décision suit les conclusions du rapport 2010 de la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH), remis, au chef de l’Etat, en mars, recommandant le parachèvement du règlement du passif humanitaire. Quelques jours plus tard, la CNDH a organisé un séminaire sur la justice transitionnelle, avec la participation de la société civile et le soutien de la représentation, en Mauritanie, du Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, qui a ouvert un bureau, à Nouakchott, au cours des derniers mois. La prochaine étape de ce long et difficile processus de règlement devrait concerner les victimes civiles des années de braise. Autant d’éléments qui renvoient à une nouvelle volonté politique de vaincre les nombreux obstacles qui entravent l’unité de la Mauritanie. Le nouveau pouvoir de Nouakchott aurait-il, donc, retenu l’expérience et les leçons du passé? Exit, le discours, stupide, bâti sur les dénégations, grossières, de la réalité du passif humanitaire, devant les instances internationales, qui ont, fortement, écorné l’image du pays, au cours des années 1990 et jusqu’au milieu des années 2000. Toutefois, en dépit de cette résolution et de la bonne volonté du pouvoir qu’il faut saluer à sa juste mesure, on reste encore loin du quitus final. Car la question des massives exécutions extrajudiciaires, ethniquement ciblées, de la fin 1990-début 1991, ne peut se résoudre par de simples indemnisations pécuniaires. Le devoir de vérité et de justice, sur la responsabilité des uns et des autres, reste un impératif catégorique, pour éviter le piège, mortel, de l’impunité et redonner toutes ses chances à une cohabitation communautaire harmonieuse. Si ceux qui commettent de menus larcins se retrouvent en prison, les présumés auteurs d’actes oscillant entre le génocide – s’il est prouvé qu’il existait un plan préétabli – et le crime contre l’humanité – à défaut de celui-là – doivent bien une explication à la Nation, notamment sur leurs véritables motivations. C’est après, seulement, que la page pourra être tournée et toute l’énergie du peuple consacrée au développement, dans le cadre d’un véritable Etat de Droit.

Amadou Seck-LE CALAME

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