Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

La guerre pour la succession de Messaoud Ould Boulkheir: La main du pouvoir?

altLa succession de Messaoud Ould Boulkheir, leader charismatique du mouvement El Hor puis président du parti dissous Action pour le Changement (AC) et actuel président du parti APP et de l’Assemblée nationale, serait-elle déjà ouverte? La question mérite d’être posée; elle taraude, même, un certain nombre d’observateurs et d’acteurs politiques, surtout au lendemain de la conférence de presse, tenue par deux membres de ce parti, Samory Ould Bey et Mohamed Ould Borboss. Une sortie qui semble être la partie immergée de l’iceberg. Le différend, entre ces deux hommes et leur mentor, paraît soulever une vraie querelle de succession.
Si Samory avait, depuis peu, pris ses distances, avec son ancien guide, en adressant, notamment, une correspondance à Ban Ki Moon, secrétaire général de l’ONU, qui attirait son attention sur les pratiques esclavagistes en Mauritanie, Ould Borboss, éphémère ministre de la Jeunesse et des Sports, sous Sidi Ould Cheikh Abdallahi, avait, jusque là, gardé une certaine réserve. Leur conférence de presse, organisée la semaine dernière, en grande pompe, à l’hôtel Khatter, avait pour but de marquer, la «rupture définitive», avec le président Messaoud. Le tandem, désormais exclu du parti, reproche, au président de l’APP, ce qu’il convient d’appeler, dans leur jargon, une «dérive» pour ne pas dire une «déviation», parce que, tout simplement, le grand leader du mouvement haratine trouve «anachronique» de faire renaître le mouvement El Hor. Depuis quelques années, un certain nombre de cadres haratines se battent pour «reconstituer» le mouvement emblématique qui défendit, dans la clandestinité, leur cause. Lors d’une récente tournée, dans les différentes sections de Nouakchott, Messaoud a expliqué, avec la verve qu’on lui connaît, aux militants et sympathisants de son parti, qu’El Hor, dont il fut un des membres fondateurs, a vécu et qu’il n’était plus question de le faire renaître de ses cendres, parce que, depuis que le mouvement a intégré les partis politiques, comme l’UFD, AC et, enfin, l’APP, il a cessé d’être un mouvement «sectaire», oeuvrant, exclusivement, pour la couche haratine, et doit, par conséquent, entreprendre une action politique au sein de ces partis, sans, évidemment, perdre son âme.
En outre, depuis la relative démocratisation du pays, en 1992, la question qui fondait l’action du Mouvement El Hor – c’est-à-dire, l’esclavage – est prise en charge par presque tous les partis politiques et plusieurs ONGs de droits de l’homme. Il en est de même de la question du passif humanitaire et, plus tardivement, des relations avec la Sionie. Avec cette nouvelle donne politique, le mouvement devait, donc, se départir de toute forme de «stigmatisation», au sein des partis politiques.

Guerre de tranchées

Enfin, expliquent certains proches du président de l’APP, ceux qui voudraient continuer à prendre exclusivement en charge la lutte contre l’esclavage en milieu maure doivent le faire, non à travers des partis politiques, mais au sein d’autres structures, en l’occurrence, des ONGs ou des syndicats. Parce que, dans un Etat de Droit, les partis politiques doivent s’investir pour l’ancrage de toutes les valeurs de liberté et de justice, sans aucune discrimination. Que ceux qui ne s’inscrivent pas dans cette logique politique se trouvent d’autres formes de lutte.
Au-delà de cette querelle de principes et de réalisme politique, ceux que la presse appelle des «frondeurs», reprocheraient, au président Messaoud, un certains nombres de déclarations, notamment son «appel au pardon» à la communauté maure blanche dont certains membres l’ont, via le FNDD, choisi comme candidat et soutenu activement, lors de la présidentielle de 2009. Et cette autre où il disait, en substance, que personne ne défendrait les Haratines à leur place; autrement dit, qu’ils doivent se battre, pour se faire une place au soleil. A l’entendement des frondeurs, ces déclarations sont suffisantes pour accuser le président de APP de «renier» le combat d’El Hor, alors que rien n’a changé dans la condition des Haratines. Pourtant, répliquent les soutiens de Messaoud, une loi criminalisant l’esclavage a été votée et vulgarisée, sous Sidioca. Et les «Messaoudiens» d’accuser, en retour, les «frondeurs » d’entretenir la zizanie, entre les différentes composantes du pays, leur rappelant que les Haratines ne peuvent, à eux seuls, faire élire Messaoud Ould Boulkheir ou tout autre leader haratine, à la présidence de la République. Cette perception reflète bien l’opinion du président de l’APP qui estime que la Mauritanie tire sa force de sa diversité ethnique et culturelle et se refuse à diviser le pays en fonction des couleurs des citoyens.
Cette bataille de tranchées cache mal un combat de positionnement, pour la succession du charismatique – mais vieillissant – leader dont la position, intraitable, au sein du front du refus du coup d’Etat contre un président démocratiquement élu, Sidi Ould Cheikh Abdallahi, a fini de forcer l’admiration des Mauritaniens et, même, le respect du pouvoir. Un pouvoir soupçonné, aujourd’hui, d’orchestrer, en sous-main, la fronde pour affaiblir celui que certains, au sein du défunt FNDD, n’ont pas hésité à comparer à l’icône africain de la paix et de la tolérance, Nelson Mandela. Pour les partisans du président de l’APP, la Mauritanie, dans sa situation actuelle, a besoin de l’expérience et de la sagesse d’un Messaoud Ould Boulkheir. Mieux: beaucoup de Maures blancs pensent, contrairement à ce que véhiculent certains cercles extrémistes, qu’Ould Boulkheir est un des rares hommes politiques mauritaniens, sinon le seul, dans le contexte actuel, à pouvoir diriger le pays, en soldant la question de l’esclavage et en instituant un véritable état de Droit. Et de rappeler, à ceux qui se positionnent, déjà, pour sa succession, que le leadership ne se décrète pas, il s’acquiert de haute lutte ; en les invitant au passage, à prendre, encore, leur mal en patience, parce que Messaoud a du temps devant lui.

L’entrée fracassante de l’IRA


La question de la succession de Messaoud Ould Boulkheir se pose, avec une insistance accrue, depuis l’irruption, dans l’arène politique et sociale, du mouvement de Biram Ould Dah Ould Abeid. Taxé, par certains, d’«extrémisme», l’homme a pratiquement arraché le flambeau des mains de tous ceux qui étaient accusés, par un certain nombre de groupuscules, d’en faire leur «fond de commerce». Sa virulence et, surtout, sa témérité font craindre, à certains, que Biram, collectionnant les «victoires contre les pratiques esclavagistes», ne leur ravisse leur place «légitime». Dans ce combat presque perdu d’avance, il leur fallait trouver un allié, quelque part. Certains membres de l’opposition croient, ainsi, déceler, derrière la fronde de l’APP, la main d’un pouvoir en mal d’avoir su ou pu «dompter» Ould Boulkheir, Boubacar Ould Messaoud et Biram Ould Abeid. Une hypothèse surprenante, dans la mesure où Messaoud Ould Boulkheir, comme Ahmed Ould Daddah, et malgré leur opposition aux menées du général-candidat, ont reconnu la légitimité du pouvoir de l’actuel président de la République, avant de le rencontrer, à plusieurs reprises; des rencontres mises à profit pour prodiguer des conseils à Mohamed Ould Abdel Aziz, sur la nécessité d’entreprendre un dialogue avec l’opposition, pour «pacifier la scène politique» car il y va de l’intérêt supérieur de la Nation. Cette vision du tribun a commencé à faire grincer des dents, depuis qu’il s’est agi de partager les «dividendes politiques», consécutives au soutien de Messaoud Ould Boulkheir à Sidioca, en 2007. Au lendemain de la constitution du gouvernement de Zeïne Ould Zeïdane, un groupe a fait circuler un document que certains ont vite comparé à celui des FLAM de 1987. Dans ce nouveau texte, ses auteurs contestaient la part accordée aux Haratines, tant au gouvernement qu’au niveau des autres charges publiques – secrétaires généraux, DG des établissements publics, ambassadeurs, officiers supérieurs, etc. Le document qui circula, sous le manteau, à Nouakchott et à l’intérieur du pays, démontrait, chiffres à l’appui, la marginalisation dont fait l’objet la communauté Haratine. Et pour ses auteurs, l’arrivée de Messaoud au perchoir aurait dû changer, «immédiatement», la situation. De l’avis d’un cadre de l’APP, cette façon de voir les choses semblait plus que surprenante, de la part d’intellectuels haratines, car la part réservée, par Sidioca, à Messaoud, pour son soutien «décisif», ne pouvait appartenir à sa seule communauté, elle concernait toutes les composantes du parti APP. Mais la ségrégation est bien réelle et demande un traitement de fond. Il semble bien qu’elle constitue un élément sous-jacent de la fronde. Quel sera, alors, le prochain épisode du feuilleton de celle-ci?

Wait and see.

Dalay Lam-LE CALAME

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