Journée nationale de réconciliation : Les militants des droits humains annoncent la couleur
Vingt-cinq (25) mars 2009, Mohamed Ould Abdel Aziz est en visite dans le sud du pays.Dans son allocution tenue à Kaédi, le président reconnaît la responsabilité de l’Etat dans la répression allant de 1989 et 1991 et laisse entendre que le problème du passif humanitaire est résolu, que les victimes ont décidé de pardonner.Qui a été indemnisé?Toutes les victimes et tous les ayants droits?Y aura-t-il un devoir de vérité?Saura-t-on qui a torturé qui, qui a tué qui?Y aura-t-il un devoir de mémoire, de justice?
Le président ne fait même pas allusion à ces questions. Malgré cela les officiels qui vont se succéder à la parole loueront sa bonne volonté et les efforts entrepris pour consolider l’unité nationale. La journée du 25 mars 2009 est alors qualifiée de journée de réconciliation nationale par les officiels et les médias d’Etat. Etant historique, elle mérite d’être commémorée. Mais que alors les pouvoirs publics s’apprêtent à célébrer la «réconciliation nationale» le 25 mars à venir, les militants de droits de l’homme viennent de laisser entendre qu’ils vont se mobiliser pour réclamer une résolution juste du passif humanitaire. Raison invoquée : «Ce n’est pas en donnant de l’argent au colonel Dia et au Collectif des Veuves de Victimes de la Répression , qui va suffire à évacuer le boulet», a laissé entendre Lala Aïcha Sy au cours, d’un point de presse organisé dans les locaux du Fonadh. Pour Lala Aïcha, ses confrères ainsi que ses consoeurs, militants et militantes de droits de l’homme, tout reste à faire pour dépasser le passif humanitaire.
Recensement et réinsertion dans le monde du travail
A propos du recensement pour l’insertion en matière d’emploi, les pouvoirs publics sont sommés de faire preuve de bonne volonté. Ils doivent tenir compte de tous ceux qui ont perdu leurs emplois suite aux événements allant de 1989 à 1991. Jusque-là l’attention s’était focalisée sur une certaine catégorie de fonctionnaires comme les enseignants…, «mais il nécessaire de prendre en compte les fonctionnaires qui travaillaient pour les institutions comme l’Office des postes et Télécommunications, la S.N .I.M, la Sonader , la Banque Centrale …», a affirmé Sarr Mamadou secrétaire exécutif du Fonadh et membre du Regroupement des Victimes des Evènements de 89/91. Un premier recensement a été entrepris avant d’être annulé par la suite. Parce qu’il prenait en considération qu’une frange de ceux qui ont perdu leur travail. Le second recensement qui concerne toutes les catégories de fonctionnaires de l’Etat, lui traîne. Par ailleurs monsieur Sarr a souligné que les victimes et ayants-droits ne se limitent pas aux militaires tués, les veuves qu’ils ont laissé derrière eux, et les rescapés de camp de concentration de Jreida, Inal, etc. Sont aussi victimes les civils exterminés, sans aucune raison, sur la période allant de 89 à 91, à l’image de ceux massacrés à Sorimalé, au début des années 90. Sont victimes toutes les personnes déportées au Sénégal et au Mali.
Foncier et état civil
L’Etat est sommé de rapatrier tous les mauritaniens exilés dans les pays limitrophes. Au départ il 60 000 déportés. Certes des avancées ont été réalisées, mais il reste encore du travail à accomplir, laisse entendre Sarr Mamadou. L’Etat n’a rien fait pour faciliter le rapatriement des quelques 11 000 déportés qui vivent aujourd’hui encore au Mali et au Sénégal. Pour les milieux de droits humains le retour des hommes, femmes et enfants déportés au Sénégal et au Mali, est fondamental. Il faut également redonner leurs terres à ceux qui sont revenus dans leur pays. «Le fait de les priver de leurs sols est une bombe à retardement aux conséquences imprévisibles», estime Sarr Mamadou. «Les pouvoirs publics doivent leur faciliter l’obtention des pièces d’état civil et en finir avec la discrimination. Sur les rares pièces d’identités établies, il est mentionné réfugié», dénonce pour sa part Lala Aïcha Sy. En un mot, pour les militants de droits humains, la journée de réconciliation nationale est un mot vide de sens. Pour parler de réconciliation nationale il faut procéder à un devoir de vérité, déterminer l’ampleur des exactions commises. Il faut un devoir de mémoire, inscrire les exactions dans les manuels scolaires comme l’une de pages sombres de l’histoire du pays. Il faut un devoir de justice, juger les crimes commis. Et enfin un devoir de réparation, indemniser les victimes et ayants droits.
Samba Camara-LE RENOVATEUR