Marches en Mauritanie : donner un sens à nos actions par Abda Wone
La Mauritanie doit impérativement emprunter le chemin du changement. Il faudrait tout faire pour créer une Mauritanie non raciale, multinationale et démocratique ; une Mauritanie égalitaire. C’est ce que des générations avant nous, ont tenté vaille que vaille de faire. C’était l’esprit qui animait les auteurs du « Manifeste du Negro-Mauritanien Opprimé». Un quart de siècle après la publication de cette invite à une discussion honnête, la question reste d’actualité. Le défi doit être relevé par toutes les filles et tous les fils du pays sans distinction de race et d’origine ethnique. L’édification de la nation nouvelle, celle qui ne fera pas de distinguo entre ses fils en dépend. Il est un devoir pour nous tous de nous lever, et d’une seule voix clamer : Plus Jamais Ça ! Et plus jamais des changements de façade !
L’on ne doit pas manifester uniquement parce que le monde arabe est en effervescence; mais aussi et surtout, parce que nous voulons mettre un terme au racisme, à l’esclavage et à la délinquance économique. C’est implicitement participer à la consolidation d’une Mauritanie exclusivement Arabe que de s’ériger en jacquerie et d’occuper les rues de nos villes et campagnes parce que Tunisiens, Libyens et Egyptiens exigent leurs droits fondamentaux bafoués par des tyrans qui sont non seulement responsables des crimes commis chez eux, mais aussi indirectement de ceux perpétrés contre les Noirs de notre pays sous la dictature de Taya. Nous devons être certes solidaires de tous les peuples opprimés du monde Arabe et d’ailleurs, mais en même temps nous nous devons de nous recentrer sur les questions de cohabitation qui gangrènent notre frêle pays aux institutions inégalitaires et antidémocratiques. Il faut alors s’atteler à la résolution de la question nationale et sociale pour éviter à la Mauritanie le pire.
Cela suppose naturellement que ceux qui seront dans les rues pour manifester, aient aussi pour souci permanent la question existentielle qui interroge notre nation: celle de l’édification de notre communauté de destin, dans un contexte de négation d’autrui, via les deux fléaux majeurs du pays: le racisme et l’esclavage. Si ces deux problèmes ne sont pas posés avec force et de manière audible, on aura fait le choix délibéré de sacrifier le centre à la périphérie.
Abda Wone
New York, NY