Les Forces Progressistes du Changement (FPC) Mauritanie

Flamnet-Rétro : Notes de lecture: J’étais à Oualata: le racisme d’Etat en Mauritanie.

Boye AlassanePar Mouhamadou Saidou Touré Paris, L’Harmattan, 1999, 166 pages.

 

La Mauritanie, trait d’union entre le Maghreb et l’Afrique noire par sa composition ethnique “arabe” et “négro-africaine”, peine à avoir une position médiane et à sauvegarder son unité nationale, que des crises sporadiques mettent à mal depuis son indépendance, le 28 novembre 1960.

 

La publication, en 1966, du document dit des “dix-neuf cadres négro-africains” en réaction à l’arabisation de l’enseignement secondaire et celle du “manifeste du Négro-mauritanien opprimé” en 1986 constituent le point d’orgue de la contestation politique des « cadres » du Sud qui, pour être musulmans, n’en gardent pas moins leurs distances par rapport à l’arabisme (nationalisme arabe). En octobre 1987, c’est le tour de militaires Négro-mauritaniens de contester le régime de Nouakchott pour mettre un terme à “la discrimination raciale qui prenait corps à l’intérieur du pays”: tentative de coup d’Etat déjouée (avant qu’il ait eu un début d’exécution), condamnations trop lourdes, dont trois peines capitales.

 

C’est à la suite de cette tentative de coup d’Etat que l’auteur de cet ouvrage, Alassane Harouna BOYE, est condamné à la réclusion à perpétuité, avant de bénéficier d’une grâce présidentielle intervenue le 7 mars 1991.

 

J’étais à Oualata: le racisme d’Etat en Mauritanie est essentiellement le récit de l’expérience carcérale de l’auteur avec ses pairs militaires et les signataires du manifeste précité, dont feu l’écrivain Tène Youssouf GUEYE, qui ne survivra pas à ses conditions de détention.BOYE nous entraîne dans l’univers funeste d’un bagne situé en plein désert et dépeint la décrépitude de ses pensionnaires, à la merci de leurs geôliers. Si le regard de BOYE est distancié etnuancé, le tableau qu’il brosse de la lugubre prison n’est, en revanche, guère reluisant: des épaves humaines faméliques, se nourrissant du “riz cuit avec du sable”, entassées dans une pièce exiguë, ferrées aux pieds nuit et jour et condamnées aux travaux forcés.

 

Dès lors, une seule certitude: la perspective d’une mort imminente; une seule échappatoire: le rêve, pour échapper à leur condition de bagnards. Des séances de divination de rêves sont organisées par les prisonniers pour conjurer le sort et faire miroiter une hypothétique libération. Mais, inexorables, les visites inopportunes et sempiternelles de la mort ramènent les galériens à leur triste réalité: BA Alassane Oumar, décédé le 26 août 1988, est le premier à être ravi par la FAUCHEUSE ; mais, la faux macabre ne tarde pas à atteindre d’autres loques humaines séquestrées dans ce sinistre coin perdu du désert. Et ce jusqu’à ce que, sous la pression internationale, les autorités du pays décident de transférer les prisonniers dans une autre prison, à Aïoun.

 

Treize ans après la parution du « manifeste du Négro-mauritanien opprimé » et dix ans après les déportations de plus 120 mille mauritaniens noirs, aucun mauritanien n’avait pris sa plume pour décrire les pages sombres de l’histoire récente de son pays. On peut savoir gré à BOYE d’avoir levé le voile du silence sur Oualata, autrefois havre de paix et terre de rencontre “entre toutes les races”, mais qui, désormais, “rappelle au monde son existence à travers son fort-prison devenu un symbole de la discrimination raciale.”

 

Flamnet- Fevrier 2002.www.flamonline.com

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