Message du Président des FLAM à l’occasion du 31ème anniversaire du mouvement .
Mesdames, Messieurs, camarades nous commémorons aujourd’hui le 31 ème anniversaire de notre lutte!
Trente et une (31) longues années de lutte, en quête de justice et pour l’égale dignité, au cours desquelles beaucoup de camarades sont tombés.
Je voudrais ici leur rendre un hommage mérité, et observer une minute de silence pour leur mémoire.
Je voudrais aussi, naturelement, féliciter et remercier ces militants qui ont su tenir cette longue course de fond, malgré des conditions tres dures rencontrées sur notre chemin.
Mes chers compatriotes ,
après 27 ans d’exil nous voilà enfin de retour, foulant à nouveau, le sol de la Mauritanie. Cette Mauritanie que nous aimons tant, mais que nous aimons d’un amour critique qui vise à l’élever !
Nous avions quitté ce pays malgré nous. On choisit rarement l’exil .
Le nôtre se justifiait par notre détérmination à poursuivre immédiatement la lutte, dès notre sortie de prison, en décembre 1990. Nous voulions, sans tarder, poursuivre le combat, puisque rien dans la situation interne n’avait alors changé. Au contraire!
En ce mois de décembre 1990, personne ne bronchait à l’intérieur, l’épée de Damoclès étant suspendue sur nos têtes, à tous. La lutte ne pouvait donc se poursuivre que de l’extérieur .
Nous n’avons donc pas fui, comme le chuchottent les malins, non! Nous sommes partis pour l’Action immédiate.
Notre action à l’extérieur ne fut pas vaine, loin s’en faut !
J’ai évoqué ses bénéfices, longuement, dans mon message aux Mauritaniens, en septembre dernier.
Maintenant l’exil est derrière nous.
Nous sommes revenus, dans l’intention de poursuivre notre combat par des voies pacifiques, en inscrivant notre action dans la légalité !
Nous sommes revenus-plus fermes dans nos convictions que jamais – pour redire à nos compatriotes Mauritaniens que nous restons animés par la même détermination à œuvrer pour le réglement correct du problème de la cohabitation toujours pendant, par le dialogue, de manière consensuelle.
Voilà ce à quoi nous croyons encore.
Nous continuons également de croire à une Mauritanie de tolérance, de justice, de respect de l’ autre.
Il n’est pas superflu de rappeler, ici, la substance de notre problème appelé couramment « question de l’Unité nationale ».
Nous disions, et nous le répétons encore aujourd’hui, que Les Négro-africains et les Haratines sont exclus dans ce pays.
Exclus à tous les niveaux.
Nous sommes exclus dans notre citoyenneté, dans l’emploi, exclus à l’Ecole où nos enfants échouent massivement, à cause de réformes sciemment conçues pour un tel but; nous sommes exclus dans les médias, exclus par la négation de notre identité.
Du fait du Système, nous accusons aujourd’hui trois handicaps majeurs : Nous sommes sans pouvoir financier, nous sommes sans pouvoir politique, nous sommes sans possibilités d’Education à cause …d’un Système.
Une unité nationale, réelle, ne saurait se construire de cette façon, sur de telles inégalites !
Si nous devons, ensemble, continuer de rêver d’un destin commun, l’Egalité entre nous et l’égale dignité doivent en constituer la condition sine qua non, le fondement majeur …
Chers compatriotes,
Hier nous subissions le régime du Colonel Ould Taya, qui a réprimé massivement, éliminé physiquement, nettoyé ethniquement.
Aujourd’hui nous vivons le régime du Président Ould Abdel Aziz, qui s’est essayé à corriger, par “humanitarisme”, cahin-caha, les errements du colonel despote.
Si nous devions nous amuser à comparer ces deux Présidents, ou leur mode de gestion, nous dirions que la différence se situe au niveau du degré et de l’ampleur des violations des droits de l’homme commises; rien de plus.
Face au Système, il y’a similitude …forte similitude !
Nous sommes face à ce Système de domination que l’un a assis, à marche forcée, et que l’autre s’évertue à préserver et perpétuer … cyniquement ; un Système nourri à l’idéologie Afrikaaner, qui vise à « annihiler la force numérique et de travail que représentent les Noirs, pour les transformer en simples instruments, sans qu’aucune possibilité ne leur soit laissée de renverser cette situation ».
En effet, lorsqu’on observe attentivement les actes posés ou en cours du Président actuel, on ne peut ne pas voir qu’il s’attéle à lutter contre certaines « tares » de la societé tribale. Il tente, obstinement, d’asseoir ou d’inculquer la notion ou le sens de l’Etat, « l’Esprit d’Etat », absent chez la majorité de ses parents; Bref il s’attéle, avec acharnement, à moderniser le pays du “Trab-el bidhaan”. Ce qui, en soi, n’est pas mauvais; c’est même une bonne chose, louable dirons-nous. En revanche, ce qui est mauvais, c’est qu’il veuille le faire sans nous les Négro-africains.
Il veut moderniser ce pays… mais sans NOUS; et cela est inacceptable!
En effet, aujourd’hui nous assistons sous l’ère du Président, pour ne citer que quelques exemples, à la création d’Ecoles spéciales ou ‘’ Grandes Ecoles’’ : A côté de l’ Ecole de la magistrature et celle des officiers, toutes séléctives , déjà ‘’reservées’’, il se crée de nouvelles écoles de qualité, fermées à nos enfants : l’Ecole de Médicine, le Prytannée militaire, L’Ecole polytechnique, l’Ecole des Mines; dans ce gratin scolaire, géré d’en haut, les enfants négro-africains ou haratines sont absents; pas un enfant du peuple! absents, totalement !
Demain, à l’heure de compétitions à base de compétences égales, qui seront les plus lésés ?
Parallèlement, un processus d’enrôlement des populations (des plus décriés) est engagé; sous le sceau de la modernité… Ce qui, encore une fois, n’est pas mauvais en soi; mais que dire d’un enrôlement exécuté par des commissions essentiellement mono-ethniques, chargées de recenser une population pluri-ethnique ? Que faut-il en penser ?
Non contents de nous priver, injustement, de chaines de télévision octroyées « aux mêmes », on nous fait, maintenant, essuyer, le mépris des ministres du Président!
Face à son Premier Ministre et ses ministres, face à ses magistrats, ses hakems et ses maires, nous nous entendons, de plus en plus, répondre « si vous ne parlez pas arabe, tant pis pour vous! disparaissez … »…sans que personne ne s’en offusque ! Pas même la ‘’gauche’’…
Il faut parler arabe sinon ne plus exister dans ce pays !
Y–a-t-il plus grand mépris pour notre identité, nous les non arabes ?
Camarades militants,
Si les FLAM sont combattues plus et plus fort que partout ailleurs, c’est parce que les tenants du Système ont compris que nous les avons compris !
Camarades et chers compatriotes,
Que faire, pour arrêter notre descente aux enfers ?
Dire haut et fort que ça suffit !
Arrêter de gémir et de pleurer sans cesse.
Arrêter de plier l’échine et de supplier.
Etre, enfin, résolus à prendre notre destin en main !
L’histoire n’admet pas de nation captive, dit-on.
Frantz Fanon, médecin Antillais, disait que « dans une relative opacité, il appartient à chaque génération de découvrir sa mission, la remplir ou la trahir ». Ce devoir aujourd’hui nous incombe à tous, hommes, femmes, jeunes!
Le changement esperé et attendu ne se fera pas sans vous !
Debout pour la reconquête de nos droits légitimes et de notre citoyenneté ! Debout, maintenant ça suffit!
Redressez-vous !
La lutte continue !
Le Président
Samba Thiam
Nouakchott 14 Mars 2014.