AZIZ/AQMI:La Guerre Totale
Une fois encore, la Mauritanie est visée par une tentative d’attentat signée par AQMI (Al Qaeda au Maghreb Islamique). Les éléments de la garde présidentielle ont réussi à faire exploser une voiture piégée aux portes de la capitale. On a frôlé la catastrophe, tant le véhicule transportait 1,5 tonne d’explosifs. Cette affaire relance le débat, jamais tranché, sur la guerre menée en solo par notre pays contre AQMI. Même si tout le monde politique annonce son soutien unanime aux forces armées, certains n’hésitent pas à qualifier cette guerre de véritable aventure aux conséquences incalculables pour le pays.
Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) a menacé, lundi, d‘une nouvelle tentative d‘assassinat du président Mohamed Ould Abdel Aziz qu‘elle accuse de mener contre elle une “guerre par procuration” pour le compte de la France. “Une nouvelle tentative sera menée par nous et nous continuerons à le faire tant qu‘il n‘aura pas cessé la guerre par procuration qu‘il mène contre les moudjahidines pour le compte de la France”, affirme un communiqué d‘AQMI publié lundi par l‘agence privée en ligne Nouakchott informations (ANI). Le communiqué appelle l‘armée mauritanienne à déposer le chef de l‘Etat, l‘accusant de vouloir lui “imposer une guerre qui n‘est pas la sienne” en “alliance avec les croisés”.
Ce texte confirme de premières déclarations d‘un des porte-paroles d‘AQMI à ANI: il avait affirmé que son organisation avait visé le président mauritanien dans une opération déjouée la semaine dernière par l‘armée mauritanienne. Une version démentie par celle du ministère de la Défense nationale qui soutient que les terroristes visaient l’ambassade de France à Nouakchott et les bureaux de la sixième région militaire. Quelques jours après cette bataille, il est toujours difficile d’établir avec exactitude ce qui s’était réellement passé.
Le film des événements
Tout a commencé, la semaine dernière, lorsque des voitures tout terrain avaient forcé un barrage de contrôle des forces de l’ordre à la frontière avec le Mali, dans la région du Guidimagha. Aussitôt, l’alerte est donnée sur l’ensemble du territoire national. Conséquences : fouilles sur toutes les routes menant à la capitale, multiplication des postes de contrôle et alerte rouge au sein des forces armées, augmentation. A Nouakchott, la brigade anti terroriste de la police est mobilisée pour la cause et procède à des fouilles poussées aidée par les fameux chiens dont elle s’est dotée récemment.
Lassés par cette alerte, beaucoup d’observateurs commençaient même à douter de la véracité des informations diffusées et penchaient même pour une manœuvre du pouvoir visant à détourner l’attention de l’opinion des révoltes qui se déroulent en Tunisie et en Egypte. Pourtant la menace se révélera juste.
Pendant la journée du lundi, une voiture 4X4 est saisie par la gendarmerie dans les environs de la ville de Rkiz (Trarza). Elle transportait des armes, des minutions et des explosifs. L’un des occupants du véhicule, un Bissau guinéen, est arrêté. Ses deux autres compagnons réussissent à disparaitre dans la nature. Beaucoup de forces sont lancées à leurs trousses. Mais, leur poursuite est vite éclipsée par une autre affaire plus urgente : une voiture piégée qui se dirigeait dans la nuit du mardi à mercredi à Nouakchott. Elle avait une mission grave et dangereuse : plusieurs opérations dans la ville. Les avis diffèrent par rapport à la source qui avait prévenu les autorités de l’existence de cette voiture. Certains estiment que le prisonnier d’AQMI avait parlé et a dévoilé les plans de ses amis. C’est ce que laissait entendre le ministre de la Défense dans sa première déclaration. Une autre version évoque une action des services de sécurité qui auraient ébauché des contacts ‘’fructueux’’ avec le représentant d’AQMI en Mauritanie. Ce dernier aurait ‘’vendu la mèche’’. La troisième hypothèse est que les hautes autorités auraient été les seuls informées sur les mouvements du véhicule d’AQMI à travers les écoutes téléphoniques. En tout cas, selon des informations dignes de foi, le pays dispose d’une valise d’écoute mobile qui serait gérée par un coopérant militaire français qui est directement en contact avec le chef de l’Etat.
Quoi qu’il en soit, les autorités disposaient d’informations sur le véhicule d’AQMI qui avait Nouakchott pour cible. La thèse officielle explique que des éléments de la garde présidentielle avaient réussi à faire exploser le véhicule à l’entrée de la capitale à l’aide d’un tir RPG qui l’a fait exploser. Une autre version soutient que les occupants du véhicule, un algérien et une autre personne non identifiée, se sont fait exploser à quarante mètres des éléments du BASEP qui ne les avaient pas remarqués parce qu’ils avaient éteint les lumières de leur voiture. Difficile de savoir la vérité. Toujours est-il que l’explosion était très forte. Elle a été entendue au centre ville. Beaucoup de ‘’baraka’’. En effet, si les terroristes étaient parvenus à leurs objectifs, il y aurait eu un véritable carnage.
Au total quatre membres présumés d‘Aqmi avaient trouvé la mort (trois tués par l‘armée, le dernier par suicide), deux ont été arrêtés. Un gendarme mauritanien a également été assassiné et huit blessés lors de ces opérations. Une voiture des terroristes a été saisie avec sa charge, une autre avait explosé, et aucune information sur la troisième voiture du convoi. Se trouve-t-elle toujours dans le pays ou avait-elle réussi à regagner à ses bases ?
Questions troublantes
En peu de temps, la Mauritanie est devenue l‘un des pays les plus touchés par les activités d‘Aqmi qui a des bases au Mali et opère dans le Sahel où elle commet attentats, enlèvements, essentiellement de ressortissants occidentaux, et divers trafics.
Très active dans la lutte anti-Aqmi ou se montrant comme telle, l‘armée mauritanienne a réussi à empêcher plusieurs tentatives d‘attentat de la branche maghrébine d‘Al-Qaïda à Nouakchott visant, outre le président Abdel Aziz, l‘ambassade de France et une caserne, selon différentes sources. Mais faut-il parler dans ce cas précis d’une action de l’armée nationale ou d’un seul corps : le Basep. Pourquoi les autres éléments de l’armée n’avaient pas intervenus directement dans cette bataille qui a été menée uniquement par la sécurité présidentielle. Les explications divergent. Il y a ceux qui estiment que le président de la République est très déçu de l’action ‘’insuffisante’’ des troupes armées chargées de la lutte contre le terrorisme et que pour cela il a avait décidé de confier la mission d’interception de la voiture piégée à sa propre sécurité présentée comme un véritable corps d’élite de l’armée disposant de beaucoup de moyens et mieux entrainé que les autres unités. Mais cette explication ne semble pas justifier tout. D’autant plus que plusieurs unités de l’armée ont en charge la sécurité de presque tout et enregistrent des succès certains dans ce domaine. Certains analystes estiment qu’il y a une raison autre liée au fait que le Basep est la seule unité qui dispose d’armement dans le périmètre de Nouakchott. Une mesure, dit-on, de précaution pour parer à toute éventualité de coup de force contre le régime. Cela pourrait bien être le cas dans la mesure où même pour poursuivre des terroristes dans la région du Brakna, on y envoie la sécurité présidentielle. La traque des deux présumés terroristes en cavale avait été confiée à cette unité.
Guerre sans vainqueur
La Mauritanie est engagée réellement dans une guerre qui parait sans fin. Notre pays est le seul dans sa zone qui est en conflit ouvert avec la branche maghrébine d’Al Qaida qui s’active de plus en plus dans la région et qui cherche bien à le punir pour cette ‘’hardiesse’’ que les terroristes estiment être dictée par la France, dont plusieurs de ses ressortissants demeurent aux mains d’AQMI depuis plusieurs mois.
Pour le pouvoir en Mauritanie, il s’agissait plutôt de se faire respecter en établissant son autorité sur l’ensemble de son territoire et même plus. Fidèle donc à cette logique, le président Aziz, qui s’est présenté depuis le départ à ses partenaires étrangers comme étant un homme fort capable de mettre de l’ordre dans un pays en proie à la menace terroriste, a fait de la lutte contre le terrorisme la priorité de ses priorités. Beaucoup de moyens, sinon tous les moyens du pays, ont été affectés à la modernisation de l’armée, son équipement et le relèvement de son niveau technique afin de pouvoir faire face à ce défi. Plusieurs unités spécialisées de la lutte contre le terrorisme furent mises sur pied. La capacité combattante de l’armée a été également renforcée par l’achat de plusieurs avions militaires. Dans un territoire vaste inhabité, comme le nôtre, les moyens aériens sont importants pour songer à le contrôler.
Parallèlement à cela, le commandement militaire mauritanien a décidé d’entreprendre une nouvelle stratégie dans la lutte contre AQMI : la guerre préventive. Celle-ci consiste à aller chercher les combattants d’Al Qaida dans leurs bases-arrières au nord du Mali. D’abord le droit de poursuite accordé par le voisin malien a été utilisé. Ensuite, il a été décidé de faire stationner en permanence des troupes mauritaniennes dans cette zone. Ce programme, ambitieux et très coûteux, est-il suffisant pour enrayer la menace ? C’est cet objectif qu’espérait le président Aziz, mais la dernière tentative d’attaque suicide contre Nouakchott suscitent des doutes quant à sa fiabilité. Trois voitures avaient réussi à franchir la frontière et aller jusqu’à la capitale. Finalement leur opération a échoué, mais elle a démontré tout de même que le déploiement au Mali ne remplit l’objectif escompté : transférer la guerre hors de nos frontière.
Autre démarche qui n’a pas réussi totalement : le dialogue avec les Salafistes. L’une des personnes qui étaient en cavale et qui est restée vivante avait été graciée par le président, tout dernièrement. Elle purgeait une peine de huit ans dans la prison civile à Nouakchott. Ce qui remet en cause cette approche pour laquelle le pouvoir avait mobilisé tous les oulémas connus du pays.
Alors que faut-il faire donc, le cas échéant ? Difficile à donner une réponse à cela. Tant cette situation ressemble à un début d’enlisement qui fait penser au scénario américain en Afghanistan. En effet, les terroristes sont très agiles, n’ont pas de charges comme c’est le cas d’un Etat et cherchent seulement à maintenir le conflit à travers des actions d’éclat tel que une opération kamikaze, une voiture piégée, un acte de sabotage ici ou là… Vraiment pas d’actions qui demandent beaucoup de moyens, ni beaucoup d’hommes. Ils ont l’avantage d’être un ennemi invisible, pernicieux et insaisissable…
Alors que doit faire la Mauritanie aujourd’hui ? C’est la question qui demeure posée ! En tout cas l’Etat ne peut pas abdiquer face à l’action de quelques dizaines d’apprentis terroristes qui n’ont aucune légitimité ou continuer une guerre qui n’a pas de perspective de fin et qui est très coûteuse pour un pays fatigué économiquement comme le nôtre…
Mohamed Mahmoud Ould Targui- BILADI