
Dans son dernier râle, le Bida prédit que pendant sept ans et sept jours pas une goutte de pluie ne tombera sur le Wagadu. Dans le même temps, les lingots d’or qui permettaient de mesurer l’importance d’une femme, ou autre, fondent comme beurre au soleil ! C’est la diète, dans ce royaume jadis prospère. Les agricultures posent les houes et sellent les chevaux. Il faut quitter le terroir. L’errance. La traversée du continent. Puis l’immigration lointaine : l’Europe, l’Amérique…. Voilà, pour la page histoire aux gestes multiples.
La réalité tangible, elle, est celle d’une langue physiquement présente en Afrique de l’Ouest, avec un million et demi de locuteurs. Si leur langue porte partout le même vocable soninké les Soninkés sont quant à eux désignés différemment selon les voisins. Les Bambara les appellent Marka ; Sarakollé pour les Wolofs et Haalpulaars (ou Peuls) ; Wakore pour les Songhays et Guenguer chez les Maures de Mauritanie. Eux-mêmes, entre eux, se disent Soninkés ou Soninko (ko étant la marque du pluriel).
Pour trouver la bonne osmose didactique du soninké, Diagana prend pour terrain d’étude sa ville natale, Kaédi. Limite nullement handicapante, d’autant plus que dans cette famille Niger-Congo (dénomination de ce parler mandé) les quatre principaux dialectes qui la composent ont une intercompréhension quasi totale. Et, dans le Sud de la Mauritanie et perché sur le fleuve Sénégal, Kaédi est un maillon presque naturel. Là se trouve la piste de prolongement vers le Guidimakha, région bretelle entre le Sénégal et le Mali (zone de Kayes) qui se poursuit vers le Burkina. Puis, une fois le fleuve franchi, c’est à travers le Sénégal qu’on entre au royaume du Gadiaga (Tamba Counda, Bakel, Kédougou…) avec des pouces vers la Casamance, la Gambie et la Guinée. C’est donc à partir du bosquet de Kaédi que se consolident les fondations de ce dictionnaire soninké-français.
Cet ouvrage, qui compte plus de 5 800 entrées, enrichit la lexicographie du soninké et comble un grand vide. Jusque là on n’usait de simples glossaires aux fortunes diverses. Là, l’écriture, les constituants linguistiques et sources d’emprunts, d’une région à une autre, offrent de belles trouvailles. Pour combler les éventuels manquements, le coffrage n’ayant pas été assuré par le maître d’ouvrage lui-même, le lecteur qui désire aller plus loin pourra se rabattre sur les travaux antérieurs de l’auteur : La langue soninké, Morphosyntaxe et sens , ou encore Chants traditionnels en pays soninké pour lequel il avait obtenu le prix Robert Delavignette de l’Académie des Sciences d’Outre-Mer. Il reste qu’il faudra saluer toutes les bonnes volontés ayant permis la relecture, jusqu’à publication, de ce précieux outil de travail.
Bios Diallo