Affaire Mint Bacar Vall : les dessous d’un épisode judiciaire…entretien avec Me Ebety
Oumoulmounine Mint Bacar Vall, a été finalement remise en liberté jeudi dernier.Condamnée à six mois de réclusion, elle aura séjourné moins deux semaines en prison. À en croire des sources qui ont suivi l’affaire de près, sa défense aura profitée d’une faille dont la responsabilité incombe au juge du tribunal correctionnel….Evoquant cette affaire, Me Ebety affirme dans une interview au Rénovateur que « l’arrêt de la cour d’appel rendu aux fins d’annulation d’un mandat de dépôt délivré irrégulièrement est bien fondé…
Normalement un mandat de dépôt devait être décerné contre elle, au moment où le juge prononçait sa sentence. Mais celui-ci n’a délivré de mandat de dépôt que bien plus tard. Du coup la défense a fait appel, le mandat délivré irrégulièrement fut annulé, et Mint Bacar Vall s’est retrouvée libre. Cet épisode est l’ultime étape d’une longue mise en scène destinée à tirer l’accusée d’affaire.
Tout a commencé le 13 décembre 2010. Ce jour-là, Birane Ould Dah Abeid, à la tête d’un groupe de militants de Droits de l’Homme, porte plainte contre Mint Bacar Vall pour esclavagisme. Il s’attendait à ce que la lumière soit faite sur le cas de deux fillettes qui vivaient dans le domicile d’Oumoulmounine, situé à Arafat. Mais contre toute attente, Birane s’est retrouvé, avec un certain nombre de ses compagnons, dans les cellules du commissariat d’Arafat. Motifs invoqués : la police parle pelle- mêle de participation à une manifestation improvisée devant le domicile de Mint Bacar Vall, incitation à la violence, insultes racistes et assaut contre la police. Dès cet instant certains militants qui accompagnaient Birane en date du 13 décembre 2010, tirent sur la sonnette d’alarme. «Birane n’a pris part à aucune manifestation», dit Ithmane Ould Bidiel. «En fait, lorsque nous sommes arrivés au commissariat d’Arafat, on a trouvé une forte mobilisation des policiers devant nous, lesquels ont procédé à des arrestations ciblées. La machination consistait à nous empêcher d’assister à la déposition de deux fillettes, à isoler ces fillettes en vue de les influencer dans leur déposition et les amener à déclarer qu’elles n’étaient esclaves», poursuit-il. Aurait-il vu juste ? Quoiqu’il en soit Birane et six de ses compagnons seront bientôt condamnés à six mois de prison et l’affaire dite d’esclavage orientée vers le tribunal des mineures.
Le 16 janvier 2011, Mint Bacar Vall est condamnée à six (6) de prison ferme par le tribunal pour mineurs. Certains trouvent là que c’est un début timide de répression de l’exploitation des mineurs, d’autres par contre soutiennent que par la sentence prononcée, la justice cherche à couvrir Mint Bacar Vall et la soustraire à une condamnation pour esclaves. «Pour nous à S.O.S esclaves, les cas signalés à Arafat relève bien de l’esclavage», dira Boubacar Messaoud. «Puisque Birane a été envoyé en prison, il faillait poussé la mise en scène jusqu’à bout. Voilà pourquoi Mint Bacar a été condamnée», poursuit-il en substance. Eh ! bien la mise en scène est arrivée à son terme, jeudi dernier, date de la remise en liberté de Mint Bacar Vall qui a profité du fait qu’aucun mandat de dépôt n’a été délivré contre elle.
Interview avec Me Brahim Ould Ebety
Libération de Mint Bacar Vall : « L’arrêt de la cour d’appel confirmé par la cour suprême rendu aux fins d’annulation d’un mandat de dépôt délivré irrégulièrement est bien fondé… ».
Condamnée à six mois de réclusion ferme, Mint Bacar a séjourné un peu moins de deux semaines en prison. L’arrêt de la cour d’appel qui a permis sa libération a-t-il une valeur au regard de la loi ? Le Rénovateur a posé la question à un spécialiste, en l’occurrence Me Brahim Ould Ebety.
Le Rénovateur Quotidien : Alors qu’il portait plainte Birame Ould Dah Ould Abeïd s’est retrouvé en prison, que vous inspire cet épisode ?
Brahim Ould Ebety : il s’agit d’un épisode regrettable à plus d’un titre parce qu’il constitue une offense d’une part à l’ensemble des conventions internationales auxquelles la Mauritanie a adhéré et d’autre part à l’état de la législation nationale où le pays a inscrit son action et par l’ensemble de ses institutions dans la lutte pour l’éradication de l’esclavage sous toutes ses formes. En fait Birame Ould Dah Abeïd, dans le cadre de l’action de son initiative pour l’éradication de l’esclavage, après avoir découvert deux jeunes fillettes mineures d’origine harratine qui travaillent au domicile d’autrui, a porté les cas à la connaissance des autorités administratives et policières qui l’ont accompagné dans les lieux pour finir par la reconstitution de toutes les données relatives au type de pratique. En se référant alors aux données du dossier, il est difficile de distinguer la pratique esclavagiste de l’exploitation de mineurs dès lors où il s’agit de fillettes mineurs et d’origine harratine. Il se dégage des deux cas et de leurs caractéristiques telles qu’elles apparaissent nettement que sa poursuite et par voie de conséquence sa condamnation tend plutôt à couvrir ou à atténuer la gravité des pratiques découvertes, eu égard aux données des deux cas qui ne peuvent être qualifiés, conformément à l’état de notre législation, que de pratiques esclavagistes.
Le Rénovateur Quotidien : Mint Bacar Vall devait être jugée pour esclavage et non pour exploitation des mineures, soutiennent les militants de Droits de l’Homme, êtes-vous de cet avis, Me? Si oui quelles sont les raisons ?
B.O.E : Dès lors où les cas sont ainsi définis, il s‘en suit que le régime de leur poursuite est régi par la loi portant répression des pratiques esclavagistes.
Le Rénovateur Quotidien : L’arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d’appel qui a remis Mint Bacar Vall en liberté, a-t-il une valeur au regard de la loi?
B.O.E : j’estime que l’arrêt de la cour d’appel statuant en chambre de conseil sur appel contre le mandat de dépôt, sans préjudicier au fond, et tel que confirmé par la cour suprême est bien fondé aux motifs que la femme était en liberté et que le juge de premier degré (tribunal correctionnel) en la condamnant sans décerner mandat au moment du prononcé de sa décision et après appel de sa défense du jugement au fond ne peut plus en délivrer parce que dessaisi du dossier par l’acte d’appel. Il s’en suit que l’arrêt de la cour d’appel confirmé par la cour suprême rendu aux fins d’annulation d’un mandat de dépôt délivré irrégulièrement est bien fondé, eu égard à l’état de notre législation où nous devons nous efforcer à tous les niveaux d’imprimer, au moins dans les formes, la rigueur de la légalité aux décisions judiciaires.
Dossier réalisé par Samba Camara –LE RÉNOVATEUR