Egypte : une journée décisive
Au huitième jour de la contestation en Egypte, la pression de la rue de fléchit pas. Plus de 5 000 personnes sont déjà rassemblées dans le centre du Caire pour les « marches d’un million» ce mardi 2 février 2011 en début de matinée. Une manifestation géante malgré l’annonce la veille d’un nouveau gouvernement et de l’ouverture d’un dialogue,réclamant le départ de Hosni Moubarak. La veille, l’armée a déclaré que les revendications du peuple étaient «légitimes» et s’est engagée à ne pas faire usage de la force contre les manifestants.
Cette révolte est d’une ampleur sans précédent. Le mouvement de contestation a lancé lundi un appel à la grève générale et à des «marches d’un million» de personnes ce 1er février au Caire et à Alexandrie. Déjà, des milliers de manifestants sont réunis sur la grande place Tahrir (Libération), épicentre des rassemblements. Ils brandissent des slogans hostiles au président égyptien comme « dehors Moubarak», et des affiches représentant le président pendu, ou sa photo avec la mention « ta tête va tomber ». De nombreuses personnes ont passé même la nuit, sur place, rejointes progressivement par d’autres manifestants, ce matin.Des hélicoptères survolent régulièrement le centre du Caire, et l’armée contrôle de nombreux accès au centre-ville. Pour empêcher les mouvements vers la capitale, le trafic ferroviaire a été suspendu. Depuis ce matin, internet est bloqué et le service de messagerie mobile, très perturbé. Pas de quoi décourager cependant les manifestants. Un rassemblement géant est également attendu à Alexandrie, la deuxième ville du pays, sur la côte méditerranéenne.
Face à l’évolution de cette situation, le nouveau vice-président, Omar Souleimane, a été chargé lundi par le président d’ouvrir un dialogue immédiat avec l’opposition.« J’ai été chargé par le président de la République d’entreprendre des contacts immédiats avec toutes les forces politiques pour discuter de toutes les questions et notamment des réformes constitutionnelles et législatives », a déclaré le général Omar Souleimane.
Le fait que le vice-président mentionne toutes les formations signifient que ces contacts concernent aussi les jeunes de Facebook qui ont lancé le mouvement de contestation. La déclaration d’ouverture de Omar Souleimane arrive après une série de développements rapides.
Dans un communiqué à la télévision d’Etat, le porte-parole du ministère de la Défense a affirmé que « l’armée est consciente de la légitimité des demandes des citoyens et qu’elle n’utilisera pas la force contre le peuple ». Une déclaration qui exprime une certaine prise de distance à l’égard du chef de l’Etat, puisque la principale revendication des contestataires est le départ de Hosni Moubarak. Si l’armée se dit favorable à la liberté d’expression, elle a toutefois mis en garde contre toute violation de la loi, c’est-à-dire les casseurs et les pilleurs notamment en perspective de la marche du 1er février dont l’objectif est de rassembler un million de personnes.
Le plus grand rassemblement de l’histoire
Ce million de manifestants annoncé est surtout un symbole. Du fait du couvre-feu, il est actuellement difficile de se déplacer au Caire et à Alexandrie. Il s’agit en fait d’organiser le plus grand rassemblement de l’histoire du pays.
Cette marche d’un million comme on l’appelle ne fait pas l’unanimité. Une partie des manifestants y est opposée. Marcher en direction du siège de la télévision étatique comporte des risques estiment des manifestants. On craint notamment l’infiltration de casseurs et de pilleurs qui pourraient faire perdre l’aspect pacifique du mouvement et braquer l’armée qui jusqu’à présent a fait preuve de bienveillance.
Autre sujet de discorde, la tentative de récupération de la part de forces politiques du mouvement des jeunes. A Alexandrie et à Mahallah dans le delta, c’est la confrérie des Frères musulmans qui s’est placée au premier rang et les jeunes manifestants au Caire ne le souhaitent pas.
Parallèlement, les premières affiches religieuses apparaissent sur la place Tahrir avec ce slogan : « L’islam est la seule solution ». Les Frères musulmans s’apprêtent aussi à participer massivement aux manifestations de mardi au Caire et d’Alexandrie.
RFI