FLAMNET-ARCHIVES: SPÉCIAL- DÉPORTATIONS: Nouakchott fait le grand ménage anti-Noirs
Nouakchott, de notre envoyé spécial : Alors que la majorité des réfugiés sénégalais ont pu regagner leur pays, les autorités expulsent maintenant des Mauritaniens ayant obtenu la nationalité après 1966. Des départs massifs qui risquent d’être dramatiques pour l’économie mauritanienne.
Après les violences physiques, les oukases administratifs. Alors que la majorité des réfugiés sénégalais ont pu regagner leur pays, les autorités mauritaniennes poursuivent le « travail » commencé dans la rue par une partie de la population en expulsant, non seulement les sénégalais qui n’avaient pas l’intention de partir mais les Mauritaniens d’origines sénégalaise. Officiellement, on parle de nationaux ayant obtenu illégalement la nationalité mauritanienne, en réalité, il semble que l’on conduise dans les centre de regroupement puis dans les aéroports tous les Mauritaniens ayant obtenu la nationalité après 1966…..Parmi eux, des Wolofs mauritaniens mais aussi des Mauritaniens toucouleurs, des Maliens, des Guinenens.
C’est le grand règlement de comptes entre Maures blancs, assistés de leurs anciens esclaves Haratines, et négro-africains. Illustration de ce qu’avaient dénoncé ces derniers lors de violentes manifestations de 1986 lorsqu’ils parlaient « d’apartheid entre Blancs et Noirs » en Mauritanie. La foire internationale qui vide ces derniers jours est à nouveau remplie. Entassés dans des tentes , ou accroupis en files en plein soleil, en attendant les camions qui les conduisent à l’aéroport, des hommes, des femmes et des enfants ont rejoint les réfugiés des premiers jours. Il y a ici beaucoup de Sénégalais, mais aussi des Mauritaniens dont les policiers ont déchiré les Papiers.
Un jeune proteste : « je suis né ici, j’ai la nationalité mauritanienne,ils veulent que je m’en aille ……ce n’est plus la chasse aux Sénégalais, c’est la chasse aux Nègres. On dénonce ce qui se passe en Afrique du sud , mais c’est la même chose en Mauritanie……….. » un infirmier mauritanien , représentant du croissant-rouge, s’approche : « ce qu’il dit vrai. Ce n’est pas normal de faire attendre des femmes et des enfants en plein soleil pendant des heures. Les conditions d’hygiène dans ce camps sont déplorables . J’ai honte pour mon pays » tout autour, le terrain est jonché d’habits, d’objets divers : « les militaires voulaient nous les confisquer, alors on a tout détruit pour qu’ils ne s’en servent pas »
Plusieurs chefs d’entreprises européens ont vu leurs collaborateurs Sénégalais ou Mauritaniens arriver affolés : « la police est à la maison, ils cassent tout, ils volent et ils me cherchent pour m’expulser » ils se sont rendus sur place , ont effectivement vu les policiers faire le ménage et ont dû abandonner ceux qui leur demandaient de l’aide . cette vague de règlement de comptes touche, non seulement les ouvriers, les techniciens, les fonctionnaires, mais aussi des hauts responsables de l’administration mauritanienne . Ainsi le directeur de la sécurité sociale a été arrêté, expédié à Dakar . La maison du directeur d’Air Sénégal a été pillée, et il n’a du son salut qu’à la présentation de ses papiers mauritaniens établis bien avant 1970.
Quelques centaines de fonctionnaires mauritaniens d’origine sénégalaise ont été conduits dans les locaux des nations unies où ils attendent un avion pour rejoindre le pays de leur ancêtres. Ces départs massifs risquent d’être dramatiques pour la Mauritanie . En effet , tout le monde se demande comment vont fonctionner entreprises ou administrations dont les cadres étaient souvent d’origine sénégalaise.
Ces derniers ne faisaient pas simplement fonctionner le pays, ils le nourrissaient aussi. Une visite au port de Nouakchott est éloquente . Finies les barques qui se bousculaient sur la plage, finie la foule grouillante qui se pressait autour des étals. Il ne reste plus que quelques pécheurs wolofs en ciré jaune qui, désespérés, tiennent de tristes conciliabules à deux pas de la mer. Un jeune Maure, annonçait une catastrophe : « nous ne n’avons jamais été des pécheurs. Il n y ‘a qu’eux qui connaissaient le coins, qui savaient jeter les filets……….lorsqu’ils ont appris ce qui se passait en ville, ils ont tous pris la fuite. Maintenant le kilo de poisson qui valait 80 ougiuyas(la monnaie locale) en vaut 250 …..tout ceci à cause de nos conneries » Pour les légumes, c’est la même chose. Les commerçants sénégalais tenaient le marché et, depuis leur départ, le prix des pommes de terre et des tomates à quadruplé.
Certains Maures se montrent pourtant confiants :cela va nous permettre d’être maitres de notre destin. Nous allons apprendre les métiers que nous ne pratiquions pas. Nous allons devenir pécheurs, soudeurs, mécaniciens………. » le seul problème, comme le reconnaissent d’autres, c’est qu’il sera plus facile aux Sénégalais d’apprendre à tenir des épiceries, ce qui faisaient les maures au Sénégal qu’aux Mauritaniens à devenir ouvriers spécialisés, comptables ou mécaniciens…..
Mais dernier cette affaire, c’est l’histoire de la Mauritanie qui est en train de se jouer. Pays à demi-arabe dont la colonisation avait fait un pays d’Afrique noire et qui, d’année en année, a voulu retrouver l’identité qui n’était celle que d’une partie de sa population………en éliminant ses ressortissants noirs.
Gilles MILLET-LE MONDE