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Dialogue politique : Moussa Fall choisi par le président Ghazouani pour la coordination

Sahara Médias – Le président mauritanien Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani a confié la coordination du prochain dialogue national à l’homme politique Moussa Fall.
Cette décision a été prise lors d’un iftar (rupture du jeûne) organisé par le président en l’honneur de la Fondation de l’opposition démocratique, des chefs de partis politiques et des candidats aux dernières élections présidentielles, dimanche soir au palais présidentiel.
Au cours de cette rencontre, Ould Ghazouani a évoqué le prochain dialogue national qui, selon lui, sera lancé dans quelques semaines.
Ould Ghazouani a annoncé que Moussa Fall, homme politique mauritanien et figure nationale, serait chargé de la coordination du dialogue.
Moussa Fall est une figure du consensus national qui, jusqu’à récemment, était actif dans l’opposition. Il a une longue histoire dans la politique mauritanienne.
Ould Ghazouani a demandé à tous les partis politiques de lui faire parvenir leurs propositions pour le prochain dialogue national.
Ould Ghazouani a annoncé son intention d’organiser un dialogue national global lors de son discours d’investiture au début du mois d’août.
Il a décrit le dialogue national à venir comme étant inclusif, n’excluant personne et n’éludant aucun sujet.
Depuis lors, le gouvernement, représenté par le Premier ministre, a tenu une série de réunions avec les partis politiques pour préparer le dialogue.
cridem
Bureau du député Biram Ould DahAbeid : Déclaration

Le Calame – Un communiqué de l’Agence mauritanienne d’information (Ami), rapporte, le 19 février 2025, l’échange d’allocution entre le Premier ministre et l’Ambassadeur de l’Union européenne, au titre du dialogue politique, qu’implique l’Accord d’association Acp-Ue.
Le volet de la concertation stratégique couvre des domaines complémentaires qui vont de l’économie, au développement, en passant par la sécurité, la migration et la protection des droits humains. Chacun des deux orateurs a relevé le niveau très élevé de la coopération, non sans souligner que la Mauritanie en bénéficie désormais davantage que tout autre pays d’Afrique.
La partie mauritanienne a exprimé le besoin de « mobiliser les fonds et les ressources nécessaires » en vue de consolider sa stabilité, dans un environnement certes en proie à une multiplication des crises multidimensionnelles.
Compte tenu de l’importance de l’évènement et de ses retombées sur le front intérieur, il convient de formuler, ici, quelques observations, à l’endroit de l’Ue, notre partenaire de toujours, dont nous apprécions la résolution, déjà ancienne, à propager les valeurs de l’universalisme et de la non-violence :
1. Aujourd’hui, la gouvernance de la Mauritanie n’offre les garanties minimales de transparence et de gestion vertueuse. Les niveaux vertigineux de corruption et d’impunité,que tolère le pouvoir du moment, jettent un discrédit empirique, sur ses intentions et son discours. Tout, là, n’est qu’affichage, manipulation et petites ruses de cleptomanie, comme le rappelle le gâchis du Port de Ndiago, parmi d’autres fiascos du genre. Les dernières révélations au sujet du détournement d’un concours financier de l’Agence française de développement (Afd), témoignent de l’acuité du trompe-l’œil, de la façade à l’arrière-cour :
2.Le soutien de l’Ue, tant qu’il s’exerce sans une conditionnalité assumée en public, selon des mécanismes de suivi et de reddition des comptes, équivaut, de facto, à une complicité avec les affameurs de la population. D’une telle imprudence résulterait, par réaction de dépit, l’essor de la démagogie, du populisme insurrectionnel et de la désinformation, au profit de puissances et de fauteurs de guerre nullement intéressées à promouvoir la démocratie et la centralité de l’individu.
3.Le seul dialogue susceptible de porter la semence de l’équité et de la paix est, d’abord, domestique. Quand les Mauritaniens auront discuté de l’avenir commun et décidé, ensemble, la reconnaissance des partis et des associations encore maintenus en deçà de la légalité, alors, oui, l’Ue pourra se prévaloir de parler à un peuple uni, dans la diversité de ses composantes.
Au lieu de continuer à soutenir le conglomérat des factions tribales et d’encourager son appétence à la prédation, les partenaires multilatéraux du pays seraient bien inspirés de comprendre combien l’invasion migratoire du sud au nord découle, en premier, de l’échec des élites du Continent. Peu importent les millions d’euros dépensés, les programmes d’endiguement aux frontières ne sauraient mettre un terme au sauve-qui-peut généralisé.
Le problème s’avère d’une gravité et d’un potentiel de désordre insoupçonnés. Peut-être le temps est-il venu, pour l’Europe et le Monde libre, de se livrer à l’autocritique salutaire, sous peine de poursuivre leur déclin, au bénéfice de la tyrannie.
Dakar, le 21 février 2025
Diplomatie Mauritanienne : Forces et faiblesses dans un monde en mutation. Par Pr ELY Mustapha

Pr. ELY Mustapha — « L’anarchie internationale est ce que les États en font » (Wendt A. Social Theory of International Politics)
La Mauritanie, pays sahélien situé à la croisée des enjeux géopétropolitiques du Maghreb et du Sahel, a déployé une diplomatie marquée par une stratégie d’équilibre, des alliances économiques ciblées et une gestion prudente des tensions régionales durant ces dix dernières annés.
Comme le souligne Hans Morgenthau dans Politics Among Nations (1948), « les États agissent rationnellement pour maximiser leur pouvoir et leur sécurité dans un système international anarchique ».
Cette logique réaliste a guidé notre pays dans son approche d’équilibre entre le Maroc et l’Algérie, lui permettant de maintenir une stabilité relative dans un contexte volatile. Cependant, cette diplomatie rencontre également des défis structurels, illustrant les limites des théories classiques face à des enjeux hybrides.
Forces de la diplomatie mauritanienne
1. Médiation régionale et neutralité stratégique
La Mauritanie a consolidé son rôle de médiateur neutre dans les conflits régionaux, en particulier autour du Sahara Occidental. En maintenant des relations équilibrées avec l’Algérie et le Maroc, elle applique une stratégie d’équilibre des puissances (balance of power), théorisée par Kenneth Waltz (Theory of International Politics, 1979).
Comme l’écrit Waltz, « dans un système multipolaire, les petits États peuvent tirer profit des rivalités entre grandes puissances pour préserver leur autonomie ». Cette posture a permis à la Mauritanie d’éviter de s’aliéner l’un ou l’autre camp, tout en servant de pont discret entre les parties prenantes.
Cependant, John Mearsheimer (The Tragedy of Great Power Politics, 2001) rappelle que « l’équilibre des puissances est toujours précaire dans les régions polarisées » – une réalité illustrée par les pressions croissantes du Maroc et de l’Algérie sur Nouakchott.
2. Diversification des partenariats économiques
La diplomatie économique mauritanienne incarne les principes de l’interdépendance complexe de Robert Keohane et Joseph Nye (Power and Interdependence, 1977), selon lesquels « les interactions économiques multilatérales réduisent les risques de conflit et augmentent la résilience ». En attirant des investissements chinois (37 % des exportations), marocains et européens, la Mauritanie a limité sa dépendance.
Cependant, Samir Amin (L’accumulation à l’échelle mondiale, 1970) met en garde : « Les économies périphériques restent captives des puissances centrales si elles n’industrialisent pas leurs ressources ». Ce piège se reflète dans le déficit commercial chronique (7 % du PIB en 2023), lié aux importations chinoises à bas coût.
3. Intégration aux initiatives internationales
L’alignement sur les Objectifs de développement durable (ODD) et la ZLECAF relève du constructivisme d’Alexander Wendt (Social Theory of International Politics, 1999), pour qui « les normes internationales façonnent les identités et les intérêts des États ».
En adhérant à ces cadres, la Mauritanie a renforcé sa crédibilité auprès du FMI, obtenant 86,9 millions de dollars pour des réformes. Toutefois, Stephen Krasner (International Regimes, 1983) souligne que « l’efficacité des régimes internationaux dépend de la capacité des États à internaliser les normes » – un défi face aux retards dans la transition numérique mauritanienne.
4. Gestion sécuritaire proactive
La réussite sécuritaire du pays s’appuie sur la théorie de la sécurité humaine développée par Mahbub ul Haq (Reflections on Human Development, 1995), selon laquelle « la sécurité ne se limite pas à l’absence de guerre, mais inclut la lutte contre la pauvreté et l’exclusion ».
En combinant modernisation militaire et programmes communautaires, la Mauritanie a évité les attaques terroristes depuis 2011. Cependant, Amartya Sen (Development as Freedom, 1999) rappelle que « la liberté politique et sociale est un pilier de la sécurité durable » – un enjeu face à la marginalisation persistante des Harratines.
Faiblesses et limites structurelles
1. Dépendance économique et vulnérabilité externe
La Mauritanie illustre les thèses de la théorie de la dépendance d’André Gunder Frank (The Development of Underdevelopment, 1966) : « Les pays exportateurs de matières premières sont structurellement vulnérables aux chocs externes ».
Les retards dans le projet gazier GTA et la domination chinoise dans les exportations minérales en sont des manifestations. Pour Samir Amin, une « déconnexion contrôlée » via l’industrialisation serait nécessaire pour briser ce cycle.
2. Pressions géopolitiques contradictoires
La neutralité mauritanienne est érodée par les rivalités de pouvoir décrites par Mearsheimer : « Les grandes puissances cherchent toujours à dominer leur région, menaçant l’autonomie des petits États ». Le corridor atlantique marocain et les pressions algériennes via le Polisario placent Nouakchott dans un dilemme stratégique typique des zones d’influence concurrentes.
3. Défis de gouvernance interne
Comme le souligne Douglass North (Institutions, Institutional Change and Economic Performance, 1990), « les institutions inefficaces entravent le développement, même en présence de ressources abondantes ». La corruption et la faible collecte fiscale en Mauritanie limitent l’impact des réformes, malgré les financements internationaux (sur ces aspects voir mes précédents articles sur les finances publiques mauritaniennes).
4. Limites de la diversification diplomatique
Les projets d’énergies renouvelables stagnants rappellent les critiques de Walt Rostow (The Stages of Economic Growth, 1960) : « La modernisation ne peut être importée ; elle requiert des institutions locales solides ». Sans capacités techniques endogènes, la diversification reste superficielle.
Pour sortir des écueils théoriques et pratiques, la Mauritanie doit hybrider les approches :
– Équilibre des puissances et sécurité humaine : Comme le suggère Ul Haq, « investir dans le développement local pour consolider la stabilité ».
– Interdépendance et déconnexion contrôlée : Appliquer les clauses de contenu local préconisées par Amin pour transformer les ressources en industries.
– Constructivisme et néo-institutionnalisme : Renforcer les institutions, car « les normes sans capacités internes sont illusoires » (Krasner).
En conclusion, la diplomatie mauritanienne a, de notre point de vue et sur 10 ans (de 2015 à 2025), illustré à la fois les forces et les limites des théories des relations internationales. Si le réalisme explique sa neutralité tactique et l’interdépendance ses alliances économiques, les théories critiques (dépendance, sécurité humaine) révèlent ses vulnérabilités structurelles.
Comme l’écrit Wendt, « l’anarchie internationale est ce que les États en font » – pour la Mauritanie, l’enjeu est de transformer sa position géostratégique en un projet de développement inclusif, ancré dans des réformes institutionnelles audacieuses.
Pr ELY Mustapha
Septembre 1986 : Procès de plusieurs cadres et intellectuels noirs mauritaniens, après la publication du « Manifeste du négro mauritanien opprimé » (le verdict)
Septembre 1986 : Procès de plusieurs cadres et intellectuels noirs mauritaniens, après la publication du « Manifeste du négro mauritanien opprimé » (le verdict)
Par
FLAM
24 septembre 2018
Temps de lecture 9 minutes
Le N° Parquet 922/86
938/86.
-Représentée par Ahmad Cheikh Lematt.
-Les prévenus : Djigo Tafsirou, Saïdou Kane, Ly Djibril Hamet, Ibrahima Abou Sall, Thiam Samba, Sow Amadou Moctar, Diallo Aboubacar, Guèye Oumar Mamadou, Abdoullahy Barry, Sarr Ibrahima, Sy Mamadou Oumar, Sarr Abdoullah, Sy Mamadou Youssouf, Idrissa Bâ, Ten Youssouf Guèye, Bâ Mamadou Saïdou, Kane Mamadou Yéro, Aly Tandia, Aboubacri Khalidou Bâ, Nbini Sow, Fatimettou M’baye.
-Jugement n° 395/86 du 20, 1407 Hégire correspondant au 25/9/1986 J.C.
– Jugement contradictoire de première instance.
-Résumé du Jugement :
.Condamnation des dix premiers prévenus à 5 ans de prison ferme, une amende de cent mille ouguiyas, la privation totale des droits civiques et nationaux pour une période de 10 ans et l’interdiction de séjour durant cette même période.
. La condamnation des sept prévenus suivants à 4 ans de prison ferme, cinquante mille ouguiyas d’amende, la privation totale des droits civiques et nationaux pour une période de 3 ans et interdiction de séjour pour la même période.
.La condamnation des quatre derniers prévenus à 6 mois de prison ferme.
L’ensemble des prévenus ont été condamnés aux dépens et droits d’enregistrement.
Au nom d’Allah le Clément le Miséricordieux
REPUBLIQUE ISLAMIQUE DE MAURITANIE
Honneur – Fraternité – Justice
MINISTERE DE LA JUSTICE ET DE L’ORIENTATION ISLAMIQUE
TRIBUNAL REGIONAL DE NOUAKCHOTT (Chambre mixte)
Au nom d’Allah le Puissant, et Suprême
(La Chambre mixte)
Dans son audience publique tenue au Palais de Justice de NKTT à la date fixée pour le Jugement, le jeudi 13 Mouharam 1487 Hégire correspondant au 25 septembre 1986 à 15 heures 14 minutes.
-Sous la présidence de M. Mohamed Lemine 0/ Moustapha, Président par intérim.
-L’assistance de MM. Dine 0/ Mohamed Lemine et Ben Amar 0/ Veten, assesseurs.
-La présence de M. Mohamed 0/ Bididi, greffier.
– Le Ministère Public était représenté par M. Ahmed Cheikhna 0/ Lematt, substitut du Procureur de la République,
a rendu le Jugement suivant relatif à l’affaire opposant le Ministère Public aux prévenus dont les noms suivent :
-Djigo Tafsirou, né en 1947 à Bokhe (Boghé), fils de Mohamed Guidado et de Djieynaba Djigo, marié, ingénieur agronome, ancien Ministre de la Santé et des Affaires Sociales et actuellement conseiller du Ministre du Développement Rural.
–Kane Saïdou, né en 1947 à Demett (Sénégal), fils de Mamadou Saïdou et de Moly Kane, marié, inspecteur général de l’enseignement secondaire (histoire, géographie), sociologue chercheur.
–Ly Djibril Hamet, né en 1946 à Loboudou (Boghé), fils de Hamet Ly et de Koudi Seck, inspecteur de l’enseignement fondamental en service à l’Institut des langues.
–Ibrahima Abou Sall, né le 19/6/1949 à flairé M’bar (Boghé), fils de Lembott Samba Sall et de Khadijatta Abdoulaye Sakho, professeur d’histoire à la Faculté des lettres et des sciences humaines à l’Université de NKTT.
– Thiam Samba, né en 1948 à Sélibaby, fils de Samba Thiam et de Diouldé Bâ, inspecteur de l’enseignement fondamental.
–Sow Amadou Moctar, né en 1958 à Kaédi, fils’de Abdoulahy Oumar Sow et de Diéynaba Samba, ingénieur du Génie Civil en service actuellement à la Direction des Bâtiments au Ministère de l’Equipement, célibataire.
–Diallo Aboubacar, né en 1946 à M’bagne, fils de Demba Ardo et de Koumba Bodé, infirmier d’Etat en service au Service de la Médecine préventive à la Direction de la Santé à Nouakchott, marié.
– Guèye Oumar Mamadou, né en 1950 à M’boyo (Boghé), fils de Mamadou Kadio et de Dabi Mamadou, agent de police révoqué, en service actuellement à la Banque Arabe Lybienne Mauritanienne, marié.
–Abdoullahy Barry, né en 1955 à Kiffa, fils de Hamidou Barry et de Fatimettou M’bareck, Conseiller au Ministère des Affaires Etrangéres, Chef du Département Europe Orientale au Ministère des Affaires Etrangéres, marié.
–Aboubacri Khalidou Bâ, né en 1933 à Monguel, fils de Khalidou
Bâ et de Fatmatou Bâ, professeur chercheur à l’Institut des langues, marié.
–Nbini Sow, née en 1964 à Kaédi, fille de Sow Samba et de Miniel Kane, sans profession, veuve.
-Fatimettou M’baye, née en 1950 à Dioudé, fille de Ibrahima M’baye et de Bintou Kane, titulaire d’une maîtrise en Droit à l’Université de Nouakchott, veuve.
LA PROCEDURE
Attendu que la Cour était saisie de l’affaire des deux dossiers n° 922-938/86 par le 3e Cabinet d’Instruction, en vertu de l’article 163 du C.PP et conformément aux articles 318 et 319 du même Code.
Attendu qu’étaient présents les avocats défenseurs mandatés
Maître Diabira Maroufa représentant les prévenus : Sarr Ibrahima, Djigo Tafsirou, Aboubacar Khalidou Ba, Sy Amadou Youssout, Aboubacar Diallo, Sy Mamadou Oumar, d’une part, et Me Bal Ahmed Tidjiane représentant les prévenus : Ly Djibril Hamet, Thiam Samba, Sow Amadou Moctar, Kane Mamadou Yéro et Ba Idrissa, d’autre part, se sont également présentés avant la comparution des prévenus • Maîtres Yahya 0/ Abdel Khahar, Adama Diop, Mohamdi 0/ Sabah, Ali Cama, Diagana Mamadou et Mahfoud 0/ Bettah en tant que défenseurs bénévoles de tous les prévenus et ont demandé la traduction de toutes les interventions qui auront lieu au cours de l’audience. La Cour avait satisfait cette demande. L’intervention de Maître Diagana Mamadou se résume ainsi : « J’ai assisté à plusieurs audiences au service de l’intérêt de la défense et de l’État mauritanien, par conséquent notre Justice ne doit pas enfermer mes clients dans des cellules » (l’entre-crochets est illisible et truffé de fautes de frappe, c’est une traduction approximative).
Maître Bal a demandé le renvoi de l’affaire pour avoir le temps d’examiner le dossier.
Attendu que la Cour a satisfait les demandes de la défense saut celle relative au renvoi de l’affaire à propos de laquelle elle avait laissé les dossiers à la disposition des avocats pour les examiner quand ils le veulent.
Attendu que la Cour a demandé la comparution des prévenus, et qu’au moment où le premier prévenu se présente à la barre, les avocats se sont retirés de la salle.
Attendu que la Cour, après avoir vérifié l’identité des prévenus, a demandé à chacun d’eux d’écouter avec attention et l’avait informé qu’il était accusé de complicité dans des réunions non autorisées, de publication et de diffusion de tracts touchant l’intérêt public et de propagande à caractère raciste (actes prévus et sanctionnés par l’article 9 de la loi 008173 du 23/01/1973 relative aux réunions publiques et les articles 16 et 17 de la loi 109/63 relative à l’organisation et diffusion du dépôt légal, l’article 22 de la même loi modifiée par la loi n° 138/66 du 13/07/1966, l’avait informé qu’il avait la liberté de se défendre soi-même ou de mandater pour sa défense qui, parmi les présents, venait à son aide. Il a été informé que la présence d’un défenseur de l’ordre des Avocats n’est pas exigé par la loi dans un cas pareil.
Attendu que les prévenus ont refusé de mandater aucun défenseur, conditionnant leur réponse par la présence des avocats retirés et refusant de choisir d’autres défenseurs.
Attendu que la Cour s’est adressée au Ministère Public qui avait demandé l’application de l’article 9 de la loi n° 008/73 du 23/01/1973 et des articles 16 et 17 de la loi n° 109/63 et de l’article 22 de la même loi modifiée par la loi n° 138/66 du 13/07/1966.
Attendu que la Cour avait demandé à chacun des prévenus s’il lui reste quelque chose à dire et qu’ils s’étaient refusés à parler.
Attendu que l’affaire était mise en délibéré et renvoyée pour vider le délibéré le 25/09/1986.
LES MOTIFS
Attendu que la défense s’était retirée do con propre gré, violant ainsi les dispositions de l’article ler du décret 114/83 du 28/04/1983 modifiant les articles 1 et 20 du décret, 076/80 créant l’Ordre National des Avocats, article qui stipule que l’avocat doit respecter tout ce qui se rapporte aux tribunaux ou à l’intérêt des parties à juger.
Attendu que les prévenus avaient refusé de répondre, et que le refus à une réponse est considéré comme la reconnaissance légale de leur accusation conformément aux textes de Cheikh Khalil (en stage) (s’il refuse de répondre, la prison, la correction et puis un jugement sans l’obliger à jurer) et aux explications de
cet auteur dans la « Touhfa » où il est dit : « qui refuse la reconnaissance ou la négation etc… »),
Attendu que toutes sortes de preuves, de la reconnaissance expresse à la connaissance tacite et aux présomptions claires, ont confirmé que les prévenus étaient bien coupables de l’accusation adressée contre eux et qui signifiait la complicité dans les réunions non autorisées, la publication et la diffusion de tracts touchant l’intérêt public à la propagande à caractère raciste.
Attendu en outre que cette culpabilité a suscité des manifestations visant l’anarchie et la destruction illégale de biens privés.
Attendu que l’obéissance à l’Imam est obligatoire et que sa désobéissance qui entraîne la dissidence à l’Islam, la division de toutes les parties légitimement unies, est interdite par Allah et son prophète, prière et bénédiction sur lui, avait dit à ce sujet (hadith très sommaire et non compris).
Attendu qu’il est reconnu que toute personne réputée pour son anarchisme et sa criminalité doit être longuement emprisonnée et enchaînée et ne doit jamais être libérée.
Cette peine servira son intérêt propre, celui des siens et de l’ensemble des musulmans, comme le stipule la « Tabsira » d’Ibn Farhoun à la page 121 tome TI en plus de ce qui a été stipulé par « Al Miyar » aux pages 148 et 149 du tome XI au sujet de la désobéissance de l’Imam. Mais la peine par correction (Taazir) n’est pas limitée, elle est en fonction du degré de gravité de l’infraction ou du crime, du degré de faiblesse, de ténacité et de résistance physique et morale du coupable. Sans oublier que l’Imam 1alick a autorisé d’infliger des corrections (Taazir)
plus fortes que la peine des « Hadoudas ».
Attendu que les conditions de ce jugement étaient réunies pour corriger par Taazir ces prévenus. Et qu’il est obligatoire de prononcer immédiatement tous jugements dont les conditions étaient réunies.
Pour ces motifs et après délibération légale sur tous les aspects de’l’affaire, et à l’appui et en application des textes cités plus haut et des textes suivants:
LES TEXTES
Khalil : « toute personne majeure jouissant de sa liberté totale est condamnée sur son aveu, etc. … ». Khalil encore : « la Baghiya est un groupe de gens rebelles à l’ordre de l’Imam, etc. … » Al Mawaq : dans ce texte, page 277 tome 6, Ibn Alarabi a dit ne pas contester le pouvoir de celui qui l’a désigné et celui qui le détient et non celui qui en a le droit, etc.
Khalii encore : « L’imam est sanctionné par Taazir pour désobéissance à Allah, etc. … et encore s’il refuse de répondre, la prison, la correction et un jugement sang l’obliger à jurer, etc. » Al Firdaws : « Les jugements dont les conditions sont réunies doivent être rendus immédiatement, etc.Les articles 9 de la loi n° 008/73 du 23/01/1973 et 16 – 17 de la loi n° 109/63 et l’article 22 de la même loi modifiée par la loi 138/66 du 13/07/1966 et les articles 5, 36, 37, 38 et 449 de la loi n° 162/8 portant organisation du Code pénal mau-
LE JUGEMENT
La Cour a condamné par jugement contradictoire de premier ressort les prévenus dont les noms suivent :
Djigo Tafsirou, Saïdou Kane, Ly Djibril Hamet, Ibrahima Sall, Thiam Samba, Sow Amadou Moctar, Diallo Aboubacar, Guèye Oumar Mamadou, Abdoullahy Barry, Sarr Ibrahima,
à la prison ferme pour une période de 5 ans, 100000 UM d’amende et privation totale des droits civiques pour une durée de 10 ans et l’interdiction de séjour durant la même période dans les régions suivantes : Tiris Zémour, Dakkhlet NDB, District de NKTT, Trarza, Gorgol, Guidimakha.
Sy Mamadou Oumar, Sarr Abdoullah, Sy Mamadou Youssouf, Ten Youssouf Guèye, Bâ Mamadou Saïdou, Kane Mamadou Yéro,
à la prison ferme pour une durée de 4 ans, 50000 UM d’amende, la privation totale des droits civiques durant 5 ans et l’interdiction de séjour pour cette même période dans les régions ci-dessus citées.
Aly Tandia, Aboubacri Khalidou Bd, Nbini Sow, Fatimettou M’baye,
à la prison ferme pour une période de 6 mois.
L’ensemble des prévenus sont condamnés aux dépens.
Le Greffier Le Président
(signé illisible) (signature et cachet illisibles)
Traduction conforme, sous réserve de mauvaise transcription de noms propres, de passages non compris à la suite d’erreurs de frappe ou d’abréviations ou textes incomplets.
Le projet de loi sur les partis politiques : un texte liberticide et dangereux

Le projet de loi sur les partis politiques, soumis par le gouvernement à l’Assemblée nationale la semaine dernière, constitue un sérieux recul pour les libertés publiques et met en péril le caractère pluraliste de la jeune démocratie mauritanienne.
Il s’agit d’un pas supplémentaire vers un verrouillage autoritaire de la vie publique. L’exclusion qui en découlera risque d’encourager l’expression et la gestion des différends politiques par des moyens que l’on espérait révolus.
Ce projet de loi viole la Constitution, en particulier en ses articles 10, 11 et 99, sans parler des conventions internationales auxquelles adhère le pays. Il révèle, au moins, deux dynamiques complémentaires : d’une part, il soumet la création de partis politiques à un véritable parcours du combattant; et d’autre part, il rend leur dissolution d’une simplicité impressionnante.
Pour poser les termes du débat sur des bases claires, il est essentiel de rappeler qu’en vertu de notre droit national et de nos obligations internationales, le droit de participer à la vie publique, notamment en créant et en adhérant à des partis politiques, ne peut être limité que sous des conditions strictes: Les restrictions à ces droits doivent être définies de manière claire ; inscrites dans la loi ; nécessaires dans une société démocratique ; être proportionnelles à l’objectif qu’elles poursuivent; compatibles avec les objectifs constitutionnels et; enfin, accompagnées de voies de recours judiciaires efficaces. Rien de tout cela n’est respecté dans ce nouveau texte, comme le confirme le contexte ayant mené à son élaboration.
I- Sur le contexte général du texte
Quelques remarques préliminaires s’imposent, révélant la véritable nature liberticide de ce texte. Il s’inscrit dans une dynamique plus générale et plus lointaine, visant à contrôler, filtrer et, en fin de compte, verrouiller la vie publique, contribuant ainsi à rendre impossible toute véritable alternance démocratique.
1. Violation des lois existantes
Il convient tout d’abord de rappeler que, depuis plusieurs années, le gouvernement viole délibérément la législation en vigueur sur les partis politiques en refusant arbitrairement de l’appliquer. Des dizaines de demandes d’autorisation de partis politiques restent ainsi en suspens devant le ministère de l’Intérieur depuis de nombreuses années. Le gouvernement l’admet sans difficultés en justifiant cet état de fait par la prétendue nécessité de « rationnaliser l’espace politique » en réduisant mécaniquement le nombre de partis « admis » sur fond de système électoral frauduleux.
2. Consolider “l’oligarchisation” rampante de la vie publique
Bien que le pouvoir détienne déjà le contrôle total sur « l’autorisation » des partis politiques qu’il suspend ou dissous arbitrairement par ailleurs, il faut rappeler que le code électoral conditionne la participation aux compétitions électorales à l’adhésion à un parti reconnu. Ainsi l’éligibilité est lié à l’adhésion à un parti politique ce qui constitue une entorse à la Constitution. L’article 10 de celle-ci garantit la liberté d’association et d’adhésion aux partis politiques, ce qui inclut également la liberté de ne pas adhérer à un parti. En outre, l’article 11 stipule que « les partis et groupements politiques concourent à la formation et à l’expression de la volonté politique ». Ils y concourent, mais ils n’en détiennent pas le monopole. Cette disposition est directement liée au caractère pluraliste de la démocratie mauritanienne, inscrit à l’article 99 de la Constitution, une clause non révisable.
Par ailleurs, l’obligation d’adhérer à un parti politique pour pouvoir se présenter aux élections contrevient également à une autre loi nationale supérieure à la loi sur les partis politiques : celle qui transpose dans notre ordre juridique le Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui garantit la liberté de s’associer y compris dans le cadre de partis politiques. Le Comité des droits de l’homme, chargé de son interprétation, a d’ailleurs précisé que « le droit de se présenter à des élections ne devrait pas être limité de manière déraisonnable en obligeant les candidats à appartenir à des partis ».
Même si un tel monopole de l’éligibilité était inscrit dans notre Constitution, la Mauritanie resterait en violation de ses engagements internationaux : conformément à la Convention de Vienne sur le droit des traités, un État ne peut invoquer les dispositions de son droit interne pour justifier la non-exécution de ses obligations conventionnelles.
Enfin, le monopole des partis politiques sur l’éligibilité a conduit à une véritable “marchandisation’’ des partis eux-mêmes, une “oligarchisation” de notre vie politique, et particulièrement de nos assemblées élues. Il suffit d’observer fonctionner cette « bourse aux partis » qui prospère a la veuille de chaque échéance électorale, et où la « location » de partis se négocie à coups de dizaines, voire de centaines de millions. Le résultat est visible : des assemblées composées principalement d’hommes d’affaires, de nouveaux riches, et d’ambitieux pressés de rentabiliser leur investissement initial..
3. Une méthode d’élaboration cavalière
La méthode utilisée pour élaborer ce projet de loi est, pour le moins, discutable.
D’une part, le Président de la République avait promis, dans son programme électoral, que cette loi, parmi d’autres textes, ferait l’objet d’un dialogue national largement inclusif. Le Pacte républicain signé par le Ministre de l’Intérieur au nom du Président de la République avec des partis de la majorité et de l’opposition réitère les exigences de ce dialogue inclusif dont les travaux avaient même débuté, curieusement par l’ouverture en grandes pompes de discussions de l’ensemble de la classe politique sur le thème du Statut des partis politiques en 2023. Or, passant outre les conclusions de ces concertations, le gouvernement a rédigé en ce début d’année ce texte dans le secret, en a informé certains partis soigneusement sélectionnés lors d’une « réunion d’information » – qui ne saurait être qualifiée ni de dialogue ni même de consultation. Le texte a ensuite été adopté en Conseil des ministres pour être soumis à l’Assemblée nationale.
La rédaction trahit une méconnaissance manifeste du droit des libertés publiques, de la hiérarchie des normes dans notre système juridique et de nos obligations internationales. Sur le fond, la Mauritanie n’a pas vu depuis longtemps un texte aussi liberticide et dangereux soumis au Parlement.
1. Création de partis politiques
a. La codification d’un régime d’autorisation préalable entièrement contrôlé par le ministère de l’Intérieur
Le projet de loi modifie radicalement le régime juridique des partis politique. Le texte original de 1991 avait mis en place un système dit « déclaratoire », en vertu duquel la création d’un parti politique résulte d’une déclaration auprès du Ministre chargé de l’Intérieur contre laquelle il délivre un récépissé (article 7 de la loi en vigueur). En l’espèce le Ministre ne dispose d’aucun pouvoir discrétionnaire. Il délivre le récépissé tel un ‘’huissier de la République’’. Ledit récépissé “confère au parti politique la jouissance de la personnalité morale” (article 15 du la même loi). Par un glissement progressif, le système a été transformé, dans la pratique, en un système d’autorisation préalable. Le projet de loi actuel constitue donc un couronnement de ce glissement progressif en codifiant purement et simplement l’exigence d’autorisation préalable : « Pour que la création d’un parti politique (…) soit considérée comme légale, une autorisation doit être obtenue auprès du ministre chargé de l’intérieur». (art. 7 du projet de loi)
Cette codification s’opère, malgré les critiques récurrentes des instances internationales des droits de l’Homme, qui ont épinglé notre pays plusieurs fois sur ce point. Le Comité des droits de l’Homme a, à maintes reprises, recommandé à notre gouvernement de remplacer ce régime d’autorisation -qui plus est n’en était que dans la pratique- par un régime franchement déclaratoire, afin de se conformer à nos obligations internationales. Le gouvernement vient de faire exactement le contraire.
En outre, le texte supprime toute obligation pour le ministre de l’Intérieur de respecter un délai précis pour répondre aux demandes d’autorisation. Le nouvel article 24 stipule que les délais mentionnés dans l’article 12 « ne sont pas pris en compte si les procédures de création du parti ou les modifications apportées par les partis nécessitent des vérifications et des recherches supplémentaires ». Cette formule fourre-tout permet donc au ministère de prétexter la nécessité de « vérifications et recherches » pour maintenir les citoyens dans une incertitude totale.
b. Une dérive législative : le ministre de l’Intérieur confisque le pouvoir législatif L’article 8 du projet de loi énumère une liste des documents nécessaires pour constituer un dossier d’autorisation. Cette liste, déjà quelque peu archaïque, n’est en plus qu’indicative : le texte précise qu’elle peut être « complétée ou modifiée, si nécessaire, par une décision du ministre chargé de l’Intérieur ». Cela accorde au ministre une compétence législative déguisée, lui permettant de modifier une loi par simple décision administrative, ce qui constitue une dérive grave et injustifiée.
c. Des conditions déraisonnables et arbitraires
L’article 8 impose également aux partis en gestation de disposer d’une solide base populaire de 5 000 adhérents répartis dans la moitié des régions du pays, tout en ayant des sièges nationaux, régionaux et locaux. Pour ajouter au cocasse de la procédure, le ministre de l’intérieur avait, lui-même, articulé la procédure d’authentification de ces adhérents potentiels en précisant semble-t-il, qu’ils doivent, individuellement, appeler le ministère de l’intérieur par téléphone pour communiquer leur « intention » d’adhérer à tel ou tel parti politique. Cela se passe de commentaire.
d. Exigences absurdes et discriminatoires
Le projet exige, à l’article 11, que « la moitié des membres fondateurs du parti doivent posséder les qualifications et compétences nécessaires pour élaborer et mettre en œuvre le programme politique de leur parti ». Comment évaluer ces « compétences » ? Ferions-nous passer des examens écrits et des entretiens oraux à la moitié des membres fondateurs du parti dans les locaux du ministère de l’intérieur ? S’exprimant devant la presse, le ministre a indiqué que cette moitié ‘’utile’’ de membres fondateurs devrait disposer de diplômes universitaires. Il s’agit-là d’une condition aberrante dans une société dont 50% de la population est analphabète. Et que valent les diplômes dans un pays où il est de notoriété publique que de très hauts fonctionnaires, voire des professeurs d’université, portent de faux diplômes ? En outre, il s’agit d’une disposition socialement discriminante. La réalité est que les leaders de l’association des bouchers de Kiffa, des éleveurs de Nema, ou des agriculteurs de Kaédi , souvent analphabètes, sont certainement plus populaires et plus à même d’exprimer les besoins et aspirations des populations que beaucoup de nos « jeunes cadres dynamiques ».
2. Dissolution des partis politiques
a. Obligation de cautionner toutes les élections sous peine de dissolution : Les partis politiques auraient désormais l’obligation de participer à toutes les échéances électorales quand bien même celles-ci ne présenteraient aucune garantie de transparence et ce sous peine de dissolution. Ainsi, l’article 20 du nouveau projet stipule-t-il qu’un parti politique qui n’obtient pas 2% aux élections municipales avant ou après une échéance similaire qu’il aurait boycottée, « sera dissous ». C’est d’abord injuste et inéquitable car le propre de partis politiques est de construire leur popularité dans la durée. Appliquée en France -qu’on apprécie citer dans nos débats nationaux de manière opportuniste et souvent peu éclairée – cette disposition aurait conduit à la dissolution, au début des années 1980 du siècle dernier, du parti d’extrême droite qui constitue aujourd’hui le plus grand parti de ce pays.
Au fond, le projet de loi semble établir un lien entre les partis politiques et les élections, voire donner aux partis comme seule fonction celle de participer aux élections. Or ce lien ne repose sur aucun fondement textuel dans notre ordre juridique. Il est vrai que l’article 4 de la constitution française -encore la France!- semble souligner la fonction électorale des partis politiques en disposant qu’ils « concourent à l’expression du suffrage ». Et pourtant ce pays compte plus 500 partis politiques dont la majorité écrasante n’a jamais participé à la moindre élection. En revanche, l’article 11 de la constitution mauritanienne ne mentionne ni les élections, ni le suffrage, ni le vote. Il dispose tout simplement : « Les partis et groupements politiques concourent à la formation et l’expression de la volonté politique ».
Par ailleurs, le projet de loi actuel s’engage lui-même -on ne sait trop pourquoi- dans une définition des partis politiques et de leur rôle en son article 2. Encore une fois, cet article ne lie aucunement les partis aux élections. Il semble même leur reconnaître une fonction encore plus large que celle articulée dans l’article 11 de la Constitution : « Les partis politiques sont des associations (…) visant à regrouper les citoyens mauritaniens désireux de s’y affilier autour d’un programme politique défini, (…) en contribuant à la formation et à l’expression de la volonté politique dans tous les domaines de la vie publique ». Nulle mention des élections donc et pourtant, les partis seraient dissous s’il n’y participaient pas ou obtiendraient un certain seuil.
b. Fermeture-suspension-dissolution : cette triptyque résume bien l’approche du ministre de l’intérieur, reflétée dans son projet de loi sur les partis politiques. Ainsi le ministre s’arroge-t-il le droit de «fermer » les sièges des partis et de « suspendre leurs activités » pour une durée de 90 jours, et ce au motif de violation «des lois et règlements en vigueur ou de perturbation de l’ordre public ». Il s’agit-là de notions très larges qui, jugées, à l’aune des conditions de limitation des droits civils et politiques énumérées plus haut, seraient disproportionnées, arbitraires et déraisonnables.
En la matière, il est décisif d’établir un juste équilibre entre, d’une part, l’importance fondamentale du droit d’association en partis politiques, et d’autre part celui de prévenir la violation d’une loi ou d’un règlement précis. Cela vaudrait-il, par exemple, pour la violation du code de la route, d’une circulaire de hakem imposant une mesure manifestement illégale ?
Il en va de même en ce qui concerne la première phrase du nouvel article 25 qui permet de dissoudre un parti pour des motifs aussi larges que « le non-respect du droit à la différence », « une publicité régionale », et des considérations aussi peu proportionnelles à la gravité de la mesure de dissolution comme la non-présentation du « rapport annuel sur les activités du parti au ministère de l’intérieur ». D’ailleurs, pourquoi un parti politique aurait-il l’obligation de présenter un rapport annuel sur ses activités au ministère de l’intérieur ? Enfin, la dissolution, après une période de suspension de six mois, intervient par décret pris en conseil des ministres sur la base d’un simple rapport du ministre de l’intérieur.
Là aussi on fait fi des garanties de l’État de droit. Non seulement les motifs de dissolution possibles sous ce texte sont souvent dérisoires, mais en plus elles n’obéissent à aucune garantie juridique nécessaire dans un État de droit. Encore une fois, en vertu de notre ordre juridique, la dissolution de partis politiques ne peut intervenir par simple mesure administrative qui plus est, est insusceptible de recours judiciaire. C’est l’apanage du pouvoir judiciaire que de prendre une aussi grave mesure, et dans le cadre d’un procès équitable. Il est vrai que la France -décidément !- autorise la dissolution d’associations, et donc de partis politiques par décret pris en conseil des ministres, et ce en vertu d’une loi de 1936 -dérogeant à la loi originale de 1901- et dont le contexte n’a strictement rien à voir avec notre histoire politique ni contexte actuel, et encore moins avec notre droit. Toutefois, ce décret signé par le Président de la République demeure soumis au contrôle du Conseil d’État. Dans la pratique, cette mesure ne frappe que les formations qui adoptent le terrorisme ou l’activité militaire comme mode d’action.
En définitive, le projet de loi sur les partis politiques actuellement soumis à l’Assemblée Nationale est contradictoire, reflète une tendance autoritaire visant à verrouiller le champ politique et à instaurer le ministère de l’intérieur comme tuteur de la vie politique, de la société, et comme législateur de substitution. Ce projet marque une dérive dangereuse et représente un recul inquiétant en supprimant tous les garde-fous, en érodant toutes les garanties de l’État de droit, et en multipliant les prétextes ainsi que les procédures permettant de dissoudre les formations politiques.
Politiquement, il trahit la promesse ferme, écrite et répétée dans différents discours du chef de l’État durant sa campagne électorale de soumettre cette révision à un dialogue national largement inclusif. Il représente d’ailleurs une invitation aux acteurs politiques d’envisager d’autre modes de gestions de différends politiques que l’on espérait révolus, tel que le travail clandestin voire pire, les coups d’état militaires.
Omar O. Dedde Ould Hammady – Lô Gourmo Abdoul