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Voir Inal et repartir
Le projet de l’organisation d’une expédition à Inal est désormais réalité. Le 28 novembre, sous la férule de l’IRA, 300 personnes se sont recueillies sur le site d’Inal (440 km au nord-ouest de Nouakchott) où plus de 150 noirs mauritaniens auraient été exécutés entre 1990 et 1991. Le pèlerinage initié par IRA Mauritanie pour rappeler au monde ce qui s’est produit dans cette bourgade, a vu la participation d’une vingtaine d’organisations de défense de droit de l’homme.
Ils avaient promis de se rendre à Inal pour se recueillir sur les tombes de militaires exécutés entre 1990 et 1991, et l’ont fait, le 28 novembre dernier, comme pour rappeler à la face du monde, qu’il y a 20 ans, en ce jour de célébration de l’indépendance nationale, 28 militaires avaient étés éliminés sans procès. Les militants de l’IRA, ceux de 20 organisations des droits de l’homme, de mouvements politiques (tel le Flam) des veuves des victimes et leurs enfants se sont recueillis le 28 novembre 2011, sur les tombes des différents martyrs d’Inal. Ils ont fixé leur stèle sur la fosse commune de 28 officiers et sous officiers Negro mauritaniens pendus ce jour.
L’idée d’organiser une caravane en direction d’Inal est née il y a près de six mois. Elle provient de Biram Ould Abeid, président de l’IRA, qui voulait, par l’occasion, apporter le soutien de son organisation aux militaires exécutés sur place un 28 novembre 1990-91 et à leur famille. Une idée folle que d’aucuns croyaient irréalisable, pour le refus de l’Autorité public d’accorder une autorisation pour sa tenue d’abord ; pour les sacrifices physiques et mentaux qu’il fallait exprimer ensuite, pour le coût matériel de l’opération, entre autres.
Tôt le matin du 27 novembre dernier, tout indiquait que l’expédition d’Inal aura bien lieu. Le lieu de regroupement sur la route de Nouadhibou, ne cessait pas d’accueillir des volontaires prêts au départ. La cinquantaine de voitures 4X4 louées la veille, étaient sur place. Aux alentours, nulle présence des forces de l’ordre. Dr Athoumane, Balla Touré, Malick Fall et Djibril, désignés à l’organisation étaient sur tous les fronts. Il fallait dresser des listes, répartir des militants, donner des consignes de voyage et assurer l’ensemble des exigences matérielles pour une telle expédition. Très vite, les prévisions avaient été dépassées, il y avait plus de monde que prévu ! Les jeunes garçons étaient plus nombreux, mais il y avait aussi assez de filles, une vingtaine et assez de femmes, plusieurs dizaines d’adultes. Au fur et à mesure que l’aube disparaissait, les candidats au voyage n’arrêtaient pas d’arriver. Déterminés à faire partie de l’expédition, nombre de voyageurs s’installeront à l’arrière de voitures prêts à défier les pistes cahoteuses et poussiéreuses qui mènent vers Inal.
C’est vers 7 Heures du matin que s’ébranla le convoi. Il fallait parcourir près de 340 km de la route de la transsaharienne en direction de Nouadhibou et virer à droite vers les frontières mauritano-marocaines, pour affronter près de 130 km de piste ! Cinquante voitures avaient pris le départ transportant les défenseurs des droits de l’homme résidant en Mauritanie ou en provenance d’Europe et des Etats Unis, des journalistes, des proches de martyrs, mais aussi des tentes et de la nourriture. Manifestement, le comité d’organisation avait les moyens de ses ambitions. Interrogé à propos, un de ses membres révéla que l’expédition avait bénéficié du soutien financier de privés mauritaniens, de personnes bénévoles, mais aussi d’organisations installées hors du pays dont le Flam.
Parcours
Au poste de sortie situé à 35 km, premier couac : le convoi devait montrer patte blanche. Les nouveaux éléments de Mesgharou procédaient au contrôle strict des passagers et des véhicules. Le journaliste de Reuters fut débarqué et reconduit à Nouakchott, sous prétexte que c’est un français et que sa sécurité n’était pas forcément assurée s’il se retrouvait dans le désert. Le reste de la délégation sera maintenu en place jusqu’à 14 Heures. Puis ce fut la délivrance, le cortège repartait. Au km 105, nouveau poste de contrôle. Cette fois c’est la gendarmerie nationale. Le convoi y passera moins d’une heure avant de repartir pour se retrouver à Inal le lendemain matin à l’aube.
Le Comité d’organisation avait mis en place un programme chargé d’activités qui suscita plein d’émotions : lecture du Coran, visite des lieux, prières sur les morts et interventions parlées des militants des droits de l’homme.
Ouvrant la séance, le président de l’IRA, Biram Ould Dah Ould Abeid dit en introduction : ” cette place sur laquelle nous sommes debout, est le lieu où le 28 novembre 1990, vingt huit officiers et sous officiers, marins et militaires mauritaniens ont été tués pour la seule cause qu’ils sont noirs et peuls”. Le camp militaire qui était construit à cette place, a été détruit pour faire disparaitre toutes traces où sont enterrés les corps des militaires assassinés. Et actuellement ce lieu est transformé en terrain de football par les autorités mauritaniennes, qui n’accordent aucune valeur à la vie humaine. Donc, pour nous le 28 novembre est désormais un jour de deuil. Si Ould Abdel Aziz fête aujourd’hui l’indépendance, nous, nous sommes en deuil et resterons en deuil. Cette journée ne sera plus jamais une fête pour nous jusqu’à la fin du monde. Et nous réitérons que notre combat continuera jusqu’à satisfaction de toutes nos demandes inchallah” Lui succédant Mme Maimouna Sy, représentante de l’association des veuves, eut du mal à contenir ses larmes : “ce jour est un jour de deuil, de pleurs et d’amertumes. Le deuil, je peux dire qu’on l’a commencé aujourd’hui. Le jour où on a pu nous rendre à INAL pour identifier les tombes, savoir comment ils ont été tué. Aujourd’hui 28 novembre 2011, on est là à INAL, qui l’aurait pensé ? Personne en tout cas, pas nous, mais Allah le tout puissant nous a donné cette occasion. On le remercie ainsi que le comité d’organisation d’IRA à travers son Président, qu’on n’oubliera jamais. On remercie tous ceux qui ont contribué de près ou de loin à tous ceux qui ont assisté. Désormais, pour nous INAL deviendra un lieu de pèlerinage, à chaque fois qu’on pourra, on viendra ici nous recueillir Inchallah “, devait-elle dire avant de céder sa place à Mr Mahamadou SY, rescapé du camp de torture d’Inal et auteur du livre ” L’enfer d’Inal ; Mauritanie l’horreur des camps.”, qui après avoir exhorté Allah de lui avoir donné la vie aussi longue pour assister à cette cérémonie, a affirmé que : ” je n’aurais jamais pensé qu’un jour je puisse remettre le pays à Inal. Grace à Dieu puis grâce à votre volonté, votre pugnacité, grâce à votre persévérance on est tous là aujourd’hui. Comme l’a dit Madame Sy, c’est une victoire dans le combat pour le rétablissement des droits humains. C’est une victoire, c’est une première étape, j’espère qu’il va y avoir d’autres victoires encore dans ce sens là. Il y a 21 ans, des choses se sont produites ici. Il y a eu des gens qui ont saigné ce pays en travestissant son indépendance la date souveraine de ce peuple. Ces gens, aujourd’hui ont fait du tort à tout le monde. Ils ont fait du tort aux tortionnaires (quand je parle des tortionnaires je parle du camp des tortionnaires et du camp des victimes), ils ont fait du tort aux victimes. Car notre fête d’indépendance n’est plus une fête. Ils ont causé du tort à leurs propres enfants et aux enfants des victimes. J’aime bien à le répéter pour que ça soit entendu par tous. On est tous d’accord que les gens soient responsables de leurs actes et que les enfants des responsables ne sont pas comptables des actes de leurs parents. Si quelqu’un est indexé parce qu’il est fils de l’assassin ou fils du traitre, lui il n’y est pour rien, il n’est pas comptable de l’action commise par son père. Donc on a blessé tous les mauritaniens. Et aujourd’hui, Je ne peux pas dire que je suis heureux, ni que je suis joyeux, Non pas du tout parce qu’il y’a trop de remontés à la surface des scènes que nous avons vécu. Parce qu’il ne s’est pas passé un jour ou une nuit ici ou une seconde ici sans qu’on entende des cris des pleurs où voir quelqu’un qu’on trainait parce qu’il était mort. Ça s’est passé entre le mois de novembre et le mois de décembre, le temps qu’on a passé ici. On est arrivé ici à 250 personnes et il en est reparti d’ici seulement 96 personnes. Les 104 personnes sont restées là. Donc je ne peux pas dire que revenir aujourd’hui ici ça me fait plaisir, pas du tout. Mais je me réjouis de voir qu’il y a des maures, des haratines, des halpoulars, des soninkés et des wolofs ici. Il y a tout le monde ici. Ça veut dire qu’on peut reconstruire quelque chose ensemble si on veut. Ça c’est un groupe qui ne fait pas peut être que cent ou trente personnes. Le baobab il est grand mais c’est une petite graine qu’on enterre et qui pousse pour donner l’arbre. Donc, aujourd’hui on a semé ça, qui sait qui verra les récompenses de la moisson, peut être que ce sera nous, si on a de la chance, sinon nos enfants en bénéficieront. Je souhaite que cette action que nous venons de faire, puisse contribuer à la solidarité nationale. Et il ne peut pas y avoir de cohésion véritable, si ce problème là n’est pas lavé. Il faut qu’on passe sur ce problème et qu’on éclaircisse ce qui a été fait, qu’on se dise la vérité. Les responsables doivent être indexés. S’il y a des sanctions à faire qu’ils soient sanctionnés. Mais sanction ne veut pas dire vengeance. Car on n’a pas besoin de vengeance. On n’est pas là pour la haine. On ne déteste personne. Moi personnellement je n’ai de la haine pour personne, même pas pour les personnes qui m’ont torturé. Mais je suis assoiffé et j’ai faim de justice. Je voudrais que la victime puisse venir ici libre se recueillir sur le lieu sans avoir à subir tous les contrôles lorsqu’on venait ici. J’admire votre courage, j’admire cette ténacité parce que vous avez bravé les barrières des policiers, des gendarmes, et vous êtes venus jusqu’à là. Il faut que cela puisse se reproduire chaque fois et que nous soyons encore plus nombreux les années suivantes. Je reviendrai sur un petit détail, mais je ne reviens pas sur le 28 novembre pour ne pas ouvrir certaines blessures. Ce qu’il faut savoir, est que les gens ont tous rasé ici, il n’y a plus rien. Ces digues que vous voyez là-bas il y a des briques cassées qui constituaient la caserne. Ils ont tout poussé pour en faire un terrain de football. Mais c’est là qu’il y’avait la caserne, la base. Ils ont tout démoli pour que la mémoire ne reste pas. Mais avec des gens comme vous, il faut être sûr que rien ne sera oublié. Rien ne sera oublié, ne veut pas dire que rien ne sera pas pardonné. Ça peut se pardonner parce que nous avons une chose en commun. Nous avons une patrie commune. Parce que le fait de voir ici des maures qui ne sont pas là avec un truc pour torturer, le fait de voir des harratines qui ne sont pas là avec des trucs pour torturer, le fait de voir tout le monde là, pour se donner la main et réclamer justice, ça me va droit au cœur. Je vous remercie au nom de tous ceux qui sont couchés autour d’ici. “
Intervenant, Boubacar Lamtoro Camara, Responsable des orphelins a souligné que : ” je m’appelle Boubacar lamtoro Camara, je suis le président du (COVICIM), Collectif des Orphelins Victimes Civiles et Militaires de 91″. Je sus là avec les membres qui m’ont accompagné jusqu’ici ; ils sont venus célébrer le 28 novembre sous forme de deuil national. Non seulement il y a les 28 militaires qui étaient pendus ici mais il y a aussi d’autres militaires qui reposent ici. Parmi les pendus d’ici, mon père y figurait. Je suis triste parce que mon père a été pendu ici. J’ai de l’émotion avec les différents enfants des martyrs dans les différents camps qui se situent en Mauritanie. Tout ce que l’on veut c’est la vérité et la justice. Et on ne pourra jamais oublier. On ne dit pas qu’on va se venger, on ne dit pas qu’on a de la haine mais la Mauritanie doit savoir que dans ce pays, nous les enfants nous sommes victimes de la barbarie de l’homme, du système de ségrégation raciale. Le Système d’Etat qui a commis ce mal a oublié que la Mauritanie appartient à deux races : les blancs et les noirs. Et aujourd’hui nous voulons que le monde entier sache le mal qui a été fait. Et c’est grâce à ce comité, et surtout à monsieur le Président de l’IRA, Biram Ould Abeid, qui nous a vraiment soutenus. Nous saluons son courage, car Il y a des gens qui ne sont pas courageux, et qui ont peur de se rendre ici même. Mais nous, nous étions déterminés même si l’Etat ne nous reconnait pas et si nous trouvons le moyen, nous allions nous rendra ici par A ou par B. même s’il y a confrontation entre nous et l’armée. “Car nos papa sont des innocents “.
Synthèse JOB.L´AUTHENTIQUE.
Sept 86- sept 2011: Devoir de mémoire et refus de l´oubli
“Pour lutter contre l´oubli du génocide les pères doivent pratiquer sur leurs enfants une “transfusion de mémoire” Thomas FERENZCI.
04 septembre 1986- 04 septembre 2011, 25 ans jour pour jour.
C´était le 4 septembre 1986 que débuta la répression sauvage contre des militants et sympathisants des Forces de libération africaines de Mauritanie (FLAM) suite à la publication du “Manifeste du négro-mauritanien opprimé”.
En publiant ce manifeste en 1986, nous avions montré que des problèmes réels de coexistence entre les deux communautés raciales existaient. Nous avions aussi montré par quels mécanismes, ils avaient été engendrés. Nous avions également indiqué les perspectives dangereuses(guerre civile) sur lesquelles pouvaient déboucher ces problèmes, s´ils n´étaient pas résolus à temps correctement.
Nous avions enfin appelé à un débat national:” Les problèmes mauritaniens doivent être posés par des Mauritaniens, discutés entre Mauritaniens et solutionnés par les Mauritaniens eux-mêmes. Notre amour pour ce pays nous commande à inviter toutes nos nationalités à un dialogue des races et des cultures, dans lequel nous nous dirons la Vérité pour guérir nos maux.
Il faut que nous traduisons dans la réalité nos appels au Salut National et au Redressement de notre pays, au lieu de dépenser toutes nos ressources et toutes nos potentialités humaines dans des querelles raciales et culturelles dont les principaux bénéficiaires ne seraient certainement pas les Mauritaniens”.(Manifeste du négro-mauritanien opprimé- avril 1986).
L´esprit du Manifeste était, en patriotes sincéres d´attirer l´attention des pouvoirs publics sur les problèmes de la nation, en vue de leur trouver des solutions avant qu´il ne fut trop tard.
Quelle fut la réponse du gouvernement raciste de Ould Taya? cinglante, féroce et sanglante.
Depuis 1986, le régime raciste a systématisé dans le cadre de sa consolidation la politique de répression et de la mise à l´écart de la communauté noire et cela dans tous les domaines de la vie politique.
Ainsi en septembre de la même année, prenant comme prétexte la parution du “Manifeste du négro-mauritanien opprimé” le système procéda arbitrairement à l´arrestation d´une centaine d´intellectuels noirs (parce qu´il n´avait pas des idées à nous opposer)qui furent inhumainement torturés, sommairement jugés et lourdement condamnés. Plusieurs centaines d´autres seront révoqués de la fonction publique ou contraints à l´exil.
En 1987, les corps militaires et para-militaires connaitront une véritable purge qui se soldera par la radiation de plus de 3000 gendarmes, policiers, gardes et militaires noirs. Cette politique de mise à l´écart s´accompagne d´une volonté délibérée d´extermination de la communauté négro-mauritanienne déjà largement sous représentée dans tous les secteurs de l´Etat.
Ainsi, après l´assassinat le 6 décembre 1987 des lieutenants BA SEYDI, SY SAÏDOU et SARR AMADOU, le régime de Maawiya Ould Taya s´attela à la liquidation physique des prisonniers politiques envoyés à cet effet à la prison mouroir de Oualata, l´écrivain TENE YOUSSOUF GUEYE, L´ADJUDANT-CHEF BA ALASSANE OUMAR, LE LIEUTENANT BA ABDOUL GHOUDOUSS, LE DOYEN DJIGO TAFSIROU y seront froidement assassinés. Le pouvoir raciste engagé dans le démentélement de la composante noire s´appuie essentiellement sur les Baathistes et Nassériens qui infiltrent l´appareil d´Etat à tous les niveaux en rivalisant d´ardeur dans la répression des noirs. C´est ainsi que durant toute l´année 1988, les exactions contre les noirs étaient devenues des pratiques quotidiennes. Les élèves , étudiants et civils noirs qui avaient tenté de manifester contre cette situation d´injustice à Nouakchott furent arrêtés, torturés et obligés à payer des lourdes amendes que les officiers de police baathistes fixaient selon leurs humeurs.
A Kaédi, Diowol, Rosso, Sélibaby, Nouadhibou, Zouératt, c´était la même atmosphére de terreur contre les civils noirs avec arrestation, torture et amende à ceux qui disaient non à l´injustice. Durant la même année 1988, le gouvernement envoya dans le Sud des brigades militaires beydanes, pour exproprier les terres, perquisitionner et désarmer les villageois négro-africains, en état de siége.
C´est dans ce contexte de chasse à l´homme généralisée contre les Négro-africains que survient le conflit “sénégalo-mauritanien”. Profitant d´une crise sciemment provoquée avec son voisin le Sénégal, le Système affiche au grand jour sa parenté optionnelle avec la théorie nazie en reprenant à son compte les recettes désuètes des exécutions extra-judiciares et des déportations vers le Sénégal et le Mali de plusieurs centaines de Négro-mauritaniens. Utilisant à bon escient la fermeture de la frontière avec le Sénégal, les hordes d´Ould Taya installent la terreur dans toute la vallée, violant des femmes, violentant des notabilités traditionnelles et chefs religieux, massacrant froidement de paisibles citoyens et contraignant d´autres à l´exil.
Alors qu´en Afrique du Sud de l´apartheïd on est persecuté à cause des idées et opinions de remise en cause de l´apartheïd, en Mauritanie où l´Etat se veut arabe, on est persécuté parce que non arabe. Autre comparaison qui irrite certainement , c´est en Afrique du Sud de Botha le pouvoir blanc, tout raciste qu´il était, n´est pas allé jusqu´à déporter les noirs du pays, il se ” contentait”, si l´on peut dire, de les parquer dans les bantoustans et au mieux dans les townships. C´est la volonté d´épuration et cette logique sanguinaire et raciste qui permettent d´expliquer les évènements d´octobre 1990-mars 1991. Le régime de Taya, conformément aux prétextes classiques, accusa des négro-africains(militaires, bergers, paysans, vendeurs ambulants, étudiants, chômeurs, simples fonctionnaires) d´avoir comploté contre le régime et procéda à l´arrestation de plus de 3000 Négro-mauritaniens. Le choix par le régime du génocide de la composante noire comme solution aux problèmes mauritaniens, à travers les évènements d´avril 1989, dans leur préparation méthodique, les conséquences horribles montrent à quel point la communauté noire était menacée dans son existence.
En mars 1991, avec la pression nationale et internationale, la dictature raciste recula et procéda à des “remises de peine grâcieuses” qui devaient aboutir à la “libération”des prisonniers politiques négro-mauritaniens. Le bilan de ces arrestations s´éléve à des centaines de morts tous éxecutés extra-judiciairement, des milliers de cas de disparition dans la vallée pendant ces années de braise. Aujourd´hui, dans la totalité des villes et villages du Sud (de Ndiago à Daffor) il n´y a aucune famille négro-africaine qui ne compte en son sein, soit un exilé, soit un déporté, un assassiné ou estropié à vie.
Ould Taya est parti, Ould Mohamed Vall est passé, Ould Abdel Aziz a repris le flambeau mais on a impression que le système est têtu. Ne dit-on pas Chasser le naturel il revient au galop?
Le 4 septembre 86, l´histoire des années de braise commencait par là et elle continue toujours à faire des ravages et laisser des traces. L´enrôlement discriminatoire initié par le Général-putschiste vient de prouver que les tenants du Système ne veulent revenir sur les “acquis” de l´arabisation. les FLAM portérent les premières le flambeau de la résistance et elles continuent à lutter et à résister aux coups d´assaut du systéme et de ses valets. Rien et personne ne détournera ses membres de l’objectif visé: la justice et l’égalité.
On a beau critiquer, dénoncer, réformuler, réformer, refonder, on revient au même constat du manifeste de 1986 et reformuler ses recommandations: le dialogue inter-communautaire pour un Etat juste, égalitaire et non-racial.
On ne le dira jamais assez que l’exclusion est en soi économiquement mauvaise, socialement corrosive et politiquement explosive. Tentons dès à présent de sortir de ce cul-de-sac qui, tout le monde le sait, ne mène nulle part. Pour en sortir, il faut, à notre avis, une attitude, un climat et des conditions. Une attitude courageuse, d’ouverture sincère et de reconnaissance du problème de fond. Un climat de décrispation sociale grâce à un train de mesures positives à l’endroit de tous ceux qui, victimes et blessés dans leur chair, ont subi des préjudices matériels et moraux. La sanction des crimes commis pour rendre leur dignité aux victimes, à leurs veuves et à leurs enfants. Je crois qu’il faut se parler, car ce formidable potentiel de révolte enfouie commence à gronder. Il serait erroné de croire qu´avec des simples promesses on peut calmer la tempête. Il faut un débat national sur la question nationale dont les conclusions pourraient éventuellement être soumises au peuple, pour aborder enfin la phase d’une véritable réconciliation et de démocratisation.
En ce jour anniversaire de la répression nos pensées pieuses et patriotiques vont à nos vaillants martyrs de Oualata, Djreïda, Inal, N´beyka, Azlat et dans toute la vallée.
La lutte continue !
Elimane Bilbassi