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Document sur les malversations à la BCM du temps d’Aziz : La montagne a accouché d’une bombe
Le document, que l’ancien conseiller du ministre de la Justice, Ahmed Ould Cheikh Sidiya, affirmait détenir et où il est fait état d’opérations de malversations à grande échelle à la Banque centrale de Mauritanie (et qui lui a valu d’être interpelé par la police), a été publié aujourd’hui par l’Observatoire du civisme et des libertés. Il dévoile six opérations dont la BCM a été le théâtre du temps de l’ancien président Ould Abdel Aziz. En fait, un secret de Polichinelle qui n’est que la partie visible d’un énorme iceberg. Lisez bien :
1-Une somme d’un million de dollars auprès d’un haut responsable occupant actuellement le poste de Secrétaire Général de la Présidence de la République. Ce haut responsable est rentré dans le bureau du Gouverneur de la Banque Centrale, s’était assis à ses côtés. Le Gouverneur convoqua la fonctionnaire chargée de la vérification de l’authenticité des billets de banque en lui demandant de vérifier la qualité de ces billets. L’authenticité étant vérifiée, le haut responsable repartit avec cet argent.
2- Un montant d’environ 800.000 euros retiré par l’ex-ministre des Finances en personne, actuellement Administrateur Directeur Général (ADG) de la SNIM. Le retrait a été effectué par chèque, de nuit, après la fermeture des guichets. L’argent a été emporté par l’ADG dans une sacoche que le Gouverneur avait pris le soin de lui préparer.
3-Une somme d’environ 500.000 euros retirée par chèque par un employé de la Présidence. Selon les dires de la prévenue Tebbiba Ali N’Diaye, cet argent était destiné à gratifier le président d’un État africain dont elle ne se rappelle pas le nom mais qui avait quitté Nouakchott le jour-même. Selon le témoignage de la personne qui avait retiré l’argent et qui est un militaire actuellement à la retraite, après avoir servi dans les rangs de la garde spéciale, le président en question serait celui de la Guinée Bissau. Ce témoin avait déclaré ignorer le montant de la somme mais affirme avoir procédé à son retrait sur instruction du Directeur de Cabinet du Président de la République. Et Tibbiba Ali N’Diaye d’ajouter que de tels retraits d’argent destinés à des présidents africains en visite à Nouakchott se sont répétés à maintes reprises et toujours dans l’extrême urgence.
4-Un montant de 500.000 euros en coupures de 500 a été apporté par la chef de protocole de l’épouse de l’ancien président, en vue de changer les billets de 500 euros en plus petites coupures de 200 et de 100 euros. L’échange a eu lieu après vérification de l’authenticité des billets.
5-Un montant de 400.000 euros en coupures de 500 a été envoyé par la Présidence, en vue de changer les billets de 500 euros en coupures de 200 et de 100 euros. L’échange a eu lieu après vérification de l’authenticité des billets.
6-Une somme de 5.000.000 dollars pour l’examen de laquelle l’Ex-gouverneur avait convoqué la fonctionnaire en charge de cette mission. La dit-fonctionnaire déclare avoir trouvé l’Ex-gouverneur en compagnie de deux officiers de l’armée aux grades de colonel. L’un des deux colonels occupe le poste de Directeur Adjoint de la Direction Générale de la Sûreté Extérieure et de la Documentation. Vu le fait que l’argent était dans des boîtes fermées, la fonctionnaire s’est contentée d’en prélever quelques échantillons pour les examiner avant de voir les officiers emporter la somme par devers eux.
Le procurer de la République, auteur de la lettre adressée à sa tutelle et qui énumère ses opérations, prend soin de préciser qu’étant donné ‘’le fait que ces informations sortaient du champ de l’enquête en cours sur l’affaire de la Banque Centrale, vu le caractère spécial et, selon les dires des déclarants, peu courant de ces informations et à la lumière des spécificités de la loi de lutte contre la gabegie et celle contre le blanchiment d’argent, et vu la compétence des appareils judiciaires mauritaniens ainsi que les engagements internationaux de la Mauritanie en ce qui concerne la transparence’’, il demande ‘’conseils et orientations’’. Qui ne viendront jamais puisque la lettre n’a pas été suivie d’effets ? Pire, certains responsables épinglés ont soit été maintenus soit ont bénéficié de promotions.
A présent que le document a été rendu public, des têtes devraient tomber. A moins que la lutte contre la gabegie ne soit qu’un slogan creux. Comme elle l’a toujours été.
le calame
La COP26 adopte un accord en demi-teinte après deux semaines de négociations éprouvantes
RFI – Les 200 pays de la COP26 ont adopté samedi un « pacte de Glasgow » pour accélérer la lutte contre le réchauffement de la planète, sans assurer de le contenir à 1,5°C ni répondre aux demandes d’aide des pays pauvres.
Le texte a été adopté d’un coup de marteau du président britannique de la conférence mondiale pour le climat, Alok Sharma, à l’issue de deux semaines de négociations éprouvantes.
Témoignant de la difficulté à aboutir à cet accord, le président de la COP26 s’est dit d’une voix émue et les larmes aux yeux « profondément désolé » pour des changements de dernière minute introduits sur la question des énergies fossiles à la demande de la Chine et de l’Inde.
Il avait plus tôt estimé que l’accord « inaugure une décennie d’ambition croissante » en matière de climat.
Sur le point critique de la limitation des températures, alors que la planète se trouve selon l’ONU sur une trajectoire « catastrophique » de réchauffement de 2,7°C par rapport à l’ère pré-industrielle, le texte appelle les États membres à relever leurs engagements de réductions plus régulièrement que prévu dans l’accord de Paris, et ce dès 2022. Mais avec la possibilité d’aménagements pour « circonstances nationales particulières », point qui a suscité les critiques des ONG sur les ambitions réelles du texte.
La limite de +1,5°C pas garantie
Le compromis trouvé n’assure d’ailleurs pas le respect des objectifs de l’accord de Paris, limiter le réchauffement « bien en deçà » de 2°C et si possible à 1,5°C. Mais il offre des perspectives permettant à la présidence britannique d’afficher un succès sur son objectif de voir Glasgow « garder 1,5 en vie ». Les experts avertissent régulièrement que « chaque dixième de degré compte » alors que se multiplient déjà les catastrophes liées au changement climatique : inondations, sécheresses ou canicules, avec leur cortège de dégâts et de victimes.
Le texte contient également une mention, inédite à ce niveau, des énergies fossiles, principales responsables du réchauffement de la planète et qui ne sont même pas citées dans l’accord de Paris. La formulation a été atténuée au fil des versions et jusqu’à l’ultime minute avant l’adoption en plénière, à l’insistance notamment de la Chine et de l’Inde. La version finale appelle à « intensifier les efforts vers la réduction du charbon sans systèmes de capture (de CO2) et à la sortie des subventions inefficaces aux énergies fossiles ».
Après un échec aux deux dernières COP, celle-ci a d’autre part réussi à mettre la dernière main aux règles d’utilisation de l’accord de Paris, notamment sur le fonctionnement des marchés carbone censés aider à réduire les émissions.
Les pays pauvres « extrêmement déçus »
Le dossier explosif de l’aide aux pays pauvres, qui a un temps semblé pouvoir faire dérailler les négociations, n’a en revanche pas trouvé de résolution. Échaudés par la promesse toujours non tenue des plus riches de porter à partir de 2020 leur aide climat au Sud à 100 milliards de dollars par an, les pays pauvres, les moins responsables du réchauffement, mais en première ligne face à ses impacts, demandaient un financement spécifique des « pertes et préjudices » qu’ils subissent déjà. Mais les pays développés, au premier rang desquels les États-Unis, qui redoutent de possibles conséquences juridiques, s’y sont fermement opposés.
À contrecœur, les pays pauvres ont donc cédé, acceptant une poursuite du dialogue afin ne pas perdre les avancées sur la lutte contre le réchauffement, dont les effets les menacent déjà directement. Mais ils se sont dits « extrêmement déçus ». « C’est une insulte aux millions de personnes dont les vies sont ravagées par la crise climatique », a commenté Teresa Anderson, de l’ONG ActionAid International.
L’égérie du mouvement mondial des jeunes pour le climat, Greta Thunberg, n’était pas plus tendre, dénonçant sur Twitter « un tsunami de greenwashing » pour tenter de faire passer ce Pacte de Glasgow pour « un pas dans la bonne direction ».
(Avec AFP)
Mauritanie : La captation de l’État par l’idéologie panarabiste au cœur de l’accaparement des terres agricoles du Sud
Et, d’abord, comme dans le film : y a-t-il un pilote dans l’avion? Y a-t-il encore un ministre de l’agriculture au gouvernement? L’omniprésence de son collègue des affaires économiques dans le dossier OPA sur les terres du Sud, justifierait presque le soupçon d’emploi fictif. On ne voit et n’entend que M. Kane.
Pour la énième fois, et probablement pas la dernière, il vient d’accorder une interview qui fleure bon la contre-offensive à l’ancienne. Grosse ficelle et petites recettes éprouvées. Preuve quel le système éliminationniste du général se vautre de plus en plus dans le déni. Le préposé à l’agriculture étant aux abonnés absents, le ministre, couteau suisse, en charge des affaires économiques, sert de bouclier et chante un air de déjà-vu.
On a l’impression de subir à nouveau l’activisme désordonné et indécent du pouvoir du petit génocidaire Maawiyya Ould Sid’ AhmedTaya (12 décembre 1984 – 3 août 2005), de le réentendre niant avec le cynisme qu’on lui connaît avoir déporté un seul Mauritanien noir au Sénégal et au Mali. «Nous avons rapatrié des Sénégalais» éructait le sinistre histrion perclus de racisme et de complexes et qui ne pouvait concevoir la mauritanité d’un Négro-africain.
Il a fallu attendre sa chute pour que, sous la pression des mobilisations et des combats, s’entrouvre bien timidement la phase de reconnaissance, très partielle, de la tragédie. Le temps qui passe n’emporte ni les réflexes ni les automatismes. Dans un spectre pas si différent qu’il n’y paraît, la déclaration du ministre Kane fait écho, Dieu merci dans la seule stratégie du moins, à celle du grand horloger du génocide.
Toutes proportions gardées ! Lui aussi nie les accusations, pourtant justifiées de spoliations des terres. Il le fait sans réels éléments probants. «Il s’agit tout simplement du chemin inverse, du contraire du processus de ce que d’aucuns ont appelé « accaparement des terres» martèle-t-il. Arguments d’autorité. Et, surtout, déni de la part d’un ministre délibérément ou non amnésique mais en lévitation. « Notre » ministre oublie qu’on a affaire à un Etat-rouleau compresseur qui a conçu et qui met la dernière main à sa politique d’effacement des populations autochtones du Sud mauritanien et à leur remplacement programmé par le biais d’une colonisation de peuplement.
Qui ne voit pas que la Mauritanie du Sud est perçue et gérée comme un no man’s land, une friche à valoriser mais sans ses autochtones rendus étrangers sur leurs terres? Les faits sont têtus et l’histoire bégaie. Les concepteurs du Group Areas Act, mur porteur du système de l’Apartheid, ont fait des émules. Ils peuvent être fiers de leurs héritiers.
La pitoyable ligne de défense de ce pouvoir, inerte, aux abois, qui en est désormais réduit à menacer et à intimider tout ce qui bouge est à son image: fantomatique et virtuelle. Alors à quoi bon de courser un mirage? L’essentiel n’est plus de démonter les incohérences de l’argumentaire des autorités. Elles y arrivent bien toutes seules par leur rhétorique hara kiri. Non, l’essentiel est ailleurs. Il est dans le fait bien plus sérieux que les exclus, ces parias de toujours, n’y croient pas. Bien que combatifs, ils sont désarçonnés. Loin d’être rassurés, ils doutent à bon droit de la parole publique. La confiance est plus que jamais rompue. Elle l’est depuis les années 1980 et rien n’a été fait pour la rétablir. Après tout, que vaut pour un pouvoir raciste, hégémonique et méprisant la confiance des «Intouchables» mauritaniens?
Un expert reconnu du développement rural concède :«l’interview (du ministre) ne reprend que la démarche classique que doit mettre en œuvre un Etat normal. Les propositions ne souffrent pas de cohérence en termes de partenariat entre les différentes parties intéressées». Mais, loin d’oublier l’essentiel, le même pose des préalables :«Il faut pour cela avoir d’abord une véritable politique agricole et une vision: l’encadrement technique, la recherche et la formation. Malheureusement la déstabilisation de l’unité nationale, l’exclusion manifeste ne participent pas à assurer une confiance d’autant que la citoyenneté de beaucoup n’est pas reconnue». Traduction : il manque l’essentiel c’est-à-dire la confiance.
Dans sa «Grande interview», le ministre oublie en effet que son propos n’a de sens que pour et dans un «pays normal » et qu’il représente à l’inverse un pouvoir abonné à une politique ségrégationniste dont le carburant est un ersatz de panarabisme au rabais, auto-satisfait, aux conséquences meurtrières. Piégé dans un système, il en devient prisonnier des pratiques et notamment celles de l’évitement. Interrogé sur les réponses aux protestations de villageois auprès des autorités suite à l’occupation depuis 2016 de leurs terres par un investisseur, le ministre répond :«je n’ai pas en charge la gestion des plaintes dont vous parlez. Mais je sais que notre gouvernement est animé d’une volonté réelle et permanente pour répondre à tout appel de justice d’où qu’il vienne».
En clair, le ministre renvoie la patate chaude à ses collègues de l’intérieur, de la justice…Il n’est pourtant pas ministre de l’agriculture non plus. Pourquoi cette exception? Pour rappel, les faits de prédation incriminés concernent une dizaine de villages dont Medina Fanaye, Sima, Tekane Ksar Mbairick, Niakwar, Mleiga… dans la région du Trarza. (Il est à noter que certaines de ces localités sont condamnées à voir leurs morts inhumés au Sénégal faute de terres disponibles et donc de cimetières. Les investisseurs, totalement étrangers à des considérations humaines, affectives, à l’histoire des communautés et peu soucieux de leur préoccupations et intérêts ont tout simplement trusté la totalité des terres ne laissant aucun espace aux vivants et pas davantage aux morts. Au passage, c’est à un sort identique que sont voués les Négro-africains qui décèdent à l’étranger sans avoir jamais pu être enrôlés pour des raisons souvent liées à des tracasseries de caractère discriminatoire. Ceux-là non plus ne peuvent reposer auprès des leurs en Mauritanie. Qui n’a d’égards pour les morts n’épargne les vivants.
Pour en revenir à la réponse ministérielle, elle en dit long sur la coordination et la cohérence gouvernementales et justifie les interrogations sur les réels lieux et détenteurs du pouvoir au sein du gouvernement. Certains ministres semblent se cantonner à un rôle de faire-valoir et se contentent d’exécuter des décisions prises par des gourous idéologiques invisibles et retranchés dans des cénacles qui leur sont inaccessibles. Ministres paravents! La recette du déshonneur. Paravents ou pas, à la fin on demeure comptable de ses actes. Le temps reste un juge implacable, y compris de ceux qui auront quitté la scène. Un fardeau lourd à porter pour les générations suivantes et, le cas échéant, par des proches qui n’auront rien à se reprocher.
Dans l’immédiat, on est en droit de demander des comptes. Qu’ont fait ce gouvernement et ceux qui l’ont précédé (auxquels il n’a pas été si étranger) face aux demandes de justice et de réparation des victimes et notamment des victimes des déportations ? Faut-il rappeler que les déportés-rapatriés attendent toujours d’être rétablis dans leurs droits. Le temps leur est plus que jamais compté. Par son attitude, le gouvernement nous fait comprendre que le Sud est pour lui tout sauf une priorité. Un no man’s land où tout est permis. Halal!
Vigilance! Il n’est pas superflu de rappeler que le système se réinvente et change de méthode. C’est cosmétique mais ça compte. Le pouvoir du général Ghazouani est adepte du grand chelem, du blanchiment intégral mais à bas bruit: fonction publique, système éducatif, entreprises publiques et privées, monde économique, médias, enseignement… et évidemment forces armées. Nominations et promotions monocolores partout et toujours.
S’il en fallait des preuves, deux faits récents viennent les apporter : une promotion entière de l’Ecole normale des instituteurs monocolore, un groupe tout aussi monocolore de jeunes soldats présentés comme les «meilleurs élèves d’une académie militaire». Pas étonnant du reste si la totalité des pensionnaires de ladite académie est issue de la même ethnie. Le dernier maillon de la chaîne est sur le point d’être scellé: les terres. Après, l’entreprise d’invisibilisation aura été intégrale. Tout se tient dans une logique implacable et bien pensée. Une «belle » continuité. Les prédécesseurs avaient fait le plus gros en mettant en oeuvre l’ethnocide culturel, les génocides physique et biométrique …Sans possibilités de résistance à la mesure d’une machine étatique ethnocratique et raciste. «Nous avons tout ce que vous n’avez pas: l’argent, les armes et le pouvoir» fanfaronnait un des ténors de cette idéologie panarabiste-raciste, meurtrière et hégémonique qui a pris l’Etat en captation depuis plusieurs décennies.
Face au projet de grand escamotage des populations noires du Sud, de quel poids pèse un projet foncier confiscatoire ripoliné en entreprise d’«intérêt national» mais ayant pour réel objectif réel de déposséder les Intouchables? Le pouvoir, maître d’œuvre de ce projet, est sûr de sa force d’anéantissement. L’histoire a prouvé qu’il n’est pas du genre à souffrir d’états d’âme. Rien ne l’arrêtera. Surtout pas ses flagrantes incohérences.
Avez-vous remarqué que les terres du Nord, les palmeraies sont, comme par enchantement, à l’abri de toutes convoitises et comme protégées par un bouclier invisible : un dôme ethnique. C’est que « nos » belles palmeraies du Nord ont une double assise raciale et tribale. Dans un Etat racial et tribal, figurez-vous que cela peut aider. Alors «pas touche pas à ma palmeraie». Plein Sud plutôt. Où quand, faute de poursuivre des objectifs nationaux, la politique se fonde sur l’épiderme, la tribu, l’ethnie. Voilà une donne qui n’aurait pas dû échapper au ministre négro-africain. Et voilà pourtant ce qu’il semble ignorer. Volontairement ou non. De bonne foi ou non. Il en est meilleur juge. Quant aux populations du Sud et plus généralement aux Noirs de Mauritanie, ils disposent de suffisamment de pièces à conviction pour ne pas croire le juge impartial et la procédure pas courue d’avance.
Ciré Ba
Paris, le 14/07/2021
Monsieur Abdsalam Horma, président du parti SAWAB et député à l’AN : ‘’Je n’ai constaté aucune réalisation majeure durant ces deux dernières années, hormis l’apaisement politique’’
Le Calame : Le mercredi 27 Octobre dernier, les acteurs politiques de la majorité et de l’opposition ont tenu une réunion à Nouakchott visant à mettre en place la commission d’organisation du dialogue en gestation. Quelle en fut l’ambiance ? Avec quelle impression en êtes-vous sorti ?
Abdsalam Horma : À mon avis, cette réunion s’est tenue en grand retard par rapport au calendrier prévu mais elle a tout de même vu la participation unanime des acteurs politiques nationaux ; j’y vois un point positif qui apportera, s’il est bien exploité, stabilité et tranquillité au pays, renforçant, du coup, la cohésion nationale et la modernisation des institutions démocratiques.
– Depuis la tenue de cette réunion, des tractations se poursuivraient au sein de l’opposition pour harmoniser sa position. Faudrait-il craindre qu’elle se rende divisée à ce conclave ? Que faites-vous pour éviter cela ?
– Hélas, depuis les soubresauts consécutifs à la présidentielle de 2019, l’opposition n’a pas pu ou su former un front uni pour proposer une vision nationale – disons, une alternative claire – afin de dialoguer avec le régime en place ; elle n’a pas pu s’entendre sur un programme de lutte qui mettrait suffisamment de pression sur le pouvoir et, partant, le pousser à entamer des réformes sérieuses dans son action. La fracture au sein de l’opposition est malheureusement une réalité, mais je n’en crois pas moins possible de se ressaisir, à n’importe quel moment, et de colmater les brèches. À cet égard, nous souhaitons que sa participation au dialogue forme l’occasion rêvée de renforcer son unité et dépasser les querelles de minarets.
– À votre avis, qu’est-ce qui a poussé le président de la République à accepter de dialoguer, alors que, selon lui et ses soutiens, le pays ne vit pas de crise ?
– Dire que le pays ne traverse aucune crise est une aberration. Je suis pour ma part convaincu que nous traversons une réelle crise, héritée, en partie, de l’ancien régime et, après lui, du pouvoir actuel. J’ajouterai que la réalité d’une crise n’exclut pas l’apparition d’une ou de plusieurs autres et donc la nécessité de chercher à les anticiper pour s’en prémunir. Le conclave en vue revêt un caractère impérieux pour le régime qui a besoin d’assurer la stabilité du pays et à en pacifier l’atmosphère politique.
– Ce dialogue devrait permettre de trouver des solutions consensuelles autour de certaines questions nationales, notamment l’unité nationale et la cohésion sociale. Avez-vous perçu une volonté politique réelle des uns et des autres, en particulier du côté du pouvoir, quant à la mise en œuvre des résolutions qui sortiraient des concertations ?
– Affirmatif, nous avons effectivement perçu du côté du pouvoir une réelle volonté de discuter de tous les problèmes de l’heure et, de son gouvernement, celle de respecter scrupuleusement la mise en œuvre des résolutions qui sortiront de ces discussions. Elles constituent donc une opportunité rare, à ne pas rater pour les protagonistes de l’arène politique, de débattre sans tabous des problèmes essentiels, dans une ambiance marquée du sceau de la responsabilité et du travail constructif.
– Quelles sont pour SAWAB les autres priorités que le dialogue doit régler ? Quelle est votre contribution aux concertations en vue ?
– Ce qui nous intéresse particulièrement, c’est la paix civile, le renforcement de la cohésion nationale, le règlement définitif de la question de l’esclavage et de ses séquelles abominables, la mise en place de moyens coercitifs contre les phénomènes de la gabegie et de la mauvaise gouvernance et l’édification de véritables institutions de l’État.
– Un débat sur la réforme du système éducatif et la place des langues nationales, comme le pulaar, le soninké et le wolof, agite la classe politique et les réseaux sociaux. Qu’en pense l’homme politique et professeur à l’Université que vous êtes ?
– Toute réforme du système éducatif qui ne prend pas en compte la réalité naturelle de la société mauritanienne, de sa langue officielle et de ses langues nationales ; qui ne fortifie pas son indépendance culturelle et son identité propre ; est évidement vouée à l’échec. Cette réforme doit renforcer l’existence d’une langue vivante à tous les niveaux scolaires pour permettre d’éloigner au loin le spectre des idéologies, des antagonismes et des querelles politiques afin de consolider l’unité et la concorde nationale, au lieu d’être des facteurs de divisions et d’isolement.
– Comment l’École républicaine qu’ambitionne le gouvernement pourrait-elle prendre en charge cette question ?
– Ceci est très simple, s’il y a, chez le gouvernement, une réelle volonté politique. Républicaine, l’école va permettre à tous les fils du pays de bénéficier d’un enseignement nouveau, d’une école publique obligatoire, de lois rigoureuses, de programmes pédagogiques et scientifiques adéquats qui favoriseront notre ouverture à l’environnement économique, la satisfaction de nos besoins de développement et garantir à nos étudiants de tous niveaux académiques ce qu’il leur faut pour intégrer le marché de l’emploi et de production.
– Le président Ghazwani a fini de boucler ses deux premières années à la tête du pays. Comment évaluez-vous ce parcours ?
– Je n’ai constaté aucune réalisation majeure durant ces deux dernières années, hormis l’apaisement politique. La gabegie et la mauvaise gestion de l’État continuent de sévir. Les espoirs suscités par l’examen des dossiers de la décennie se sont très vite estompés avec les mauvaises pratiques d’antan qui se poursuivent, hélas, aussi bien au niveau administratif que gouvernemental.
– Que pensez-vous de la gestion du dossier de la décennie d’Ould Abdel Aziz, seul placé en détention préventive depuis Juin dernier ?
– La gestion du dossier de la décennie avait bien démarré, avec la mise en place, à l’Assemblée nationale, d’une commission d’enquête parlementaire, mais je suis, depuis quelque temps, découragé, par l’apparente volonté de transformer un épais et lourd dossier en une affaire personnelle contre l’ex-Président.
– Que pensez-vous des augmentations récurrentes des prix des denrées de première nécessité et des mesures prises par le gouvernement pour les juguler ? Sont-elles efficaces ?
– Je ne vois aucune raison valable de faire flamber les prix des denrées de première nécessité, sauf dans l’optique du désordre instauré par des lobbies commerciaux assoiffés de gains, aidés en cela par les faiblesses et l’incurie notoires dans notre commerce. Le gouvernement ferme les yeux sur le fait accompli : c’est fort regrettable.
– Quel est l’état de votre alliance avec le parti RAG et de son président, le député élu de SAWAB, Biram Dah Abeid ?
– Nos relations avec le mouvement IRA et son parti sont la colonne vertébrale du courant qui soutient le leader Biram Dah Abeïd. Elles obéissent à la logique d’un partenariat politique dont les bases furent jetées en 2018. L’objectif était de former un pôle politique et une alliance électorale attractive nationale mais également de renforcer l’unité nationale et la solidarité de notre peuple, de lutter contre l’esclavage et ses séquelles néfastes, ainsi que contre la pauvreté et l’ignorance.
Aujourd’hui, nous considérons ce pôle en partie intégrante et essentielle de l’opposition, capable de la fédérer dans une alliance forte et à même de porter l’estocade au pouvoir lors des échéances électorales prochaines.
– Votre dernier mot ?
– Je profite de l’occasion que votre journal m’offre pour lancer un appel pressant, à l’ensemble des acteurs politiques de tous les horizons et autres forces vives de la Nation, de faire preuve de prudence et de retenue, en ne ménageant aucun effort pour préserver la stabilité et la quiétude de notre pays : je les exhorte à éviter tous les discours ou propos haineux ou malencontreux que certains ne manqueraient pas d’exploiter pour lui nuire.
Je les invite surtout à la vigilance car notre pays est entouré, comme vous le savez, de voisins où sévissent des conflits armés pouvant, si l’on n’y prend garde, dégénérer jusqu’en nos frontières. Nous devons donc profiter de ce dialogue pour prêcher un discours pondéré, sans passion, et surtout tenter de résoudre tous les problèmes que connaît notre pays.
Propos recueillis par Dalay Lam
le calame
Dialogue en gestation : L’opposition à la recherche d’une nouvelle (plate)forme
Depuis quelques jours, l’opposition mauritanienne organise des réunions pour parvenir à une nouvelle plateforme politique. En effet, la présidentielle de 2019 avait fini de dissoudre la Coordination de l’opposition Politique (COD) dont les membres ont soutenu des candidats à la présidentielle. Depuis lors, l’opposition s’est embourbée dans une sorte de léthargie. Du chacun pour soi jusqu’à la création en 2020, de la coordination des partis politiques représentés à l’Assemblée nationale, ceci, en faveur de la pandémie de la COVID 19. Le président de la République avait appelé à l’union contre la pandémie. Tawassoul, premier parti de l’opposition, le RFD, l’UFP, APP, SAWAB et AJD/MR avaient répondu à l’appel, ce qui avait contribué à apaiser l’arène politique du pays. Les partis de la majorité et de l’opposition ont travaillé ensemble jusqu’au retrait de Tawassoul ; APP, quant à lui, se fait tirer difficilement l’oreille. Le cadre tient jusqu’à la décision de Ghazwani d’appeler aux concertations politiques entre la majorité et l’opposition. C’est donc en faveur de ce cadre que l’opposition se retrouve pour parler d’une seule voix. Avouons-le, ce n’est pas facile. Trois réunions se sont tenues pour y parvenir. Les partis de l’opposition ont tenté de parler et d’harmoniser leurs positions. Il s’agit d’échanger sur les thématiques, le format et de mettre en place une commission de pilotage, laquelle définira le format et ceux qui devront représenter l’opposition au comité de supervision du dialogue. Il est évident que tous les partis de l’opposition ne pourraient pas siéger à ce comité et par conséquent, il faudrait désigner ceux qui y seront envoyés. Quels critères seront-ils édictés par l’opposition ? Ceux qui ne seront pas désignés rumineront-ils leur colère au sein du nouveau cadre qui sera mis en place ? Au sein de l’opposition, certains partis politiques travaillent à éviter des frictions et à unir celle-ci. C’est d’ailleurs pourquoi, les organisateurs des différentes réunions ont ratissé large ne laissant personne en marge. Ils veulent un conclave inclusif pour débattre de l’ensemble des questions nationales. La feuille de route concoctée s’est efforcée à prendre en compté l’ensemble des préoccupations majeures du pays.
Au terme de cette première étape donc, l’opposition pourrait se trouver une nouvelle plateforme et partant parler d’une seule voie aussi bien lors des concertations que lors des prochaines échéances électorales. Elle pourrait désormais peser sur les débats nationaux et imposer, pourquoi pas, au pouvoir un rapport de force en sa faveur. Sa division lors des élections présidentielle de 2019 avait fini de l’affaiblir.
Des sujets qui fâchent toujours ?
Mêmes si toute l’opposition et même la majorité s’accordent sur l’urgence de débattre de l’unité nationale et la cohésion sociale, de la gouvernance et la lutte contre la gabegie, il n’en demeure pas moins que les uns et les autres n’y mettent certainement pas le même contenu. Le passif humanitaire demeure toujours un sujet délicat. Dire la vérité sur ce qui s’est passé dans les casernes militaires, dans la vallée et dans certaines villes du pays, sur les déportations, reste difficile à réaliser car cela engage la responsabilité des forces de défense et de sécurité. Pour certains, l’armée doit être tenue hors de ces conclaves. C’est d’ailleurs pourquoi le régime de Ould Taya avait rapidement fait voter une loi d’amnistie en 1993 pour protéger ceux que les victimes, les rescapés, les veuves et les orphelins qualifient de « bourreaux ». C’est d’ailleurs pourquoi, croient savoir certains, des cercles du pouvoir et des extrémistes qui avaient été mouillées dans ces exactions travailleraient dans l’ombre à saborder les concertations que le président Ghazwani a accepté d’organiser. Or, vider cet abcès ne signifie pas régler les comptes entre les composantes du pays. Si les ayants droit des victimes, les rescapés militaires, les veuves, les déportés ramenés au pays ou les rapatriés volontaires (MOYTO KOOTA) continuent à réclamer, depuis des dizaines d’années, la vérité sur ce qui s’est passé pendant les années dites de « braise » ; ce n’est évidemment pas par esprit de vengeance. En effet, on n’a jamais vu une expédition punitive contre l’un des bourreaux que les uns et les autres suspectent avoir sévi contre leur papa, frères, mari et autre. Ils veulent que de telles exactions ne se répètent pas dans ce pays et qu’ils puissent enfin faire le deuil des leurs. Comment, dans un pays musulman, on prive les citoyens des sépultures des défunts ?
En effet, ces « évènements » de 1989/91 ont profondément ébranlé les fondements de l’unité nationale que tous les acteurs politiques, pouvoir et opposition voudraient consolider et renforcer. Cela passe par accepter un débat sans passion sur ces questions qui continuent de fâcher. On ne peut résoudre les questions nationales et apporter des solutions idoines sans faire preuve de réalisme, de dépassement et de patriotisme. Ceux qui continuent à réclamer la vérité prêchent pour une justice transitionnelle qui a fait ses preuves au Maroc, en Afrique du Sud et en Gambie ; ces pays n’en ont pas pâti, au contraire, ils ont réussi une réconciliation nationale sans accrocs.
En effet, les « évènements » ont créé, comme tout le monde le sait, une certaine méfiance entre les composantes nationales dont certains acteurs politiques, du côté du pouvoir et de l’opposition ne cessent de dénoncer leur marginalisation à tous les niveaux. Ils fustigent des écoles et des nominations monocolores, des médias publics presque exclusifs, le refus d’officialiser l’enseignement des langues nationales (Pulaar, Soninke et Wolof). Ils y ajoutent depuis quelque temps cette espèce d’hypocrisie. Les négro-africains sont supposés être des suppôts du français, langue du colon alors que tous les fils à papas sont dans les filières françaises : Lycée Théodore Monod et autres.
La récente sortie médiatique de 8 partis de l’opposition qui réclamaient justement, un dialogue politique et non des « concertations » a mis le principal parti de la majorité dans tous ces états. Ces sujets qui fâchent vont-ils favoriser un consensus entre les différents acteurs politiques ? En tout cas, tous les acteurs devant se retrouver autour de la table ont exprimé leur désir ou souhait de voir le dialogue être inclusif mais surtout de permettre de débattre de tous les sujets sans tabou.
Dalay Lam