Category Archives: presse
Majabat : Interview exclusive de Jemal Ould Yessa
Chaque sortie médiatique du leader de gauche et militant des droits de l’ Homme, Jemal Ould Yessa, provoque un vif débat au sein de l’opinion publique. En cause, ses avis et positions politiques qui sortent de l’ordinaire et de la pensée communément partagée en Mauritanie.
Positions que certains qualifient de radicales voire extrêmes, tandis que d’autres estiment que ce sont des idées ambitieuses et progressistes de la part d’une personnalité dont le dernier souci serait de plaire à tout le monde et de chercher le consensus.
Ould Yessaa, fils de la classe aristocratique et de l’ “Émirat” traditionnel, qui s’est révolté contre le systéme social et politique du pays, dirigeant pendant longtemps le mouvement ” Conscience et résistance” , mouvement connu pour son opposition radicale au systéme d’Ould Taya.
Ould Yessa soutient toujours les mêmes positions “révolutionnaires” concernant le racisme, l’héritage passif) humanitaire, la lutte ou l’ inégalités des classes, de l’arabisation et autres questions soulévées, lors de son interview pour ce deuxiéme numéro du journal Majabat.
– – – – – – – – – – – – –
Majabat : En tant qu’observateur vigilant des affaires nationales, avez-vous identifié le principal obstacle à un changement, en rupture d’avec les époques de répression, de corruption et de prise du pouvoir par la force ?
– Oui, bien entendu, des progrès partiels retiennent l’attention. Depuis la chute de la dictature de Ould Taya, les niveaux de coercition politique ont nettement diminué et la corruption, à l’époque banalisée dans le cadre du clientélisme PRDS, est redevenue une faveur ; elle se restreint désormais à un groupe de prédateurs, quasiment tous de l’ethnie arabo-berbère. Pour se convaincre de la mainmise ethnique sur l’économie, il convient de consulter la liste des chefs de fédérations du patronat. Le quasi-monopole s’étend, d’ailleurs, à deux domaines où la masse laborieuse est issue de la majorité noire du pays.
Je cite la pêche artisanale et l’agriculture, deux secteurs d’activité auxquels le maure d’extraction nomade répugne, en général, en vertu de la dévalorisation de l’effort physique. Vous connaissez la genèse du capital privé national, à partir des accointances et des réseaux de relations tribales, entre les juntes au pouvoir depuis 1978 et leurs relais parmi les chefferies et les commerçants bidhane. Des milliards de prêts bancaires complaisants ont été dépensés et l’ardoise effacée, en vue d’asseoir le fondation matérielle de la domination. A cause de la prédation directe sur les ressources de l’Etat, du bénéfice de privilèges indus, en passant par les conflits d’intérêt, les faux diplômes, l’immunité fiscale et la spoliation des terres de culture au sud, une minorité de hassanophones s’est emparée du pays, au point de lier l’avenir collectif, à sa propre conservation. C’est dans cette prise d’otage que se débat la Mauritanie, depuis bientôt 40 ans…
L’expression « République islamique des maures » (Rim) ne me semble pas si excessive quand il s’agit de qualifier la géographie et la démographie réelles des privilèges de naissance et de statut social dont il sera question durant les journées consultatives nationales, autrement appelées « dialogue »…enfin, si le rendez-vous est respecté. Concernant la dévolution et la régulation violente du pouvoir d’Etat et les ruptures de légitimité, nous ne sommes pas encore immunisés d’une énième « putscherie », même si, à l’instant, la probabilité me paraît, plutôt, minime. Je puis me tromper.
Comment sortir du cycle de la faute et de l’échec ? Le principal obstacle, de nature à retarder le discernement et les bonnes pratiques en matière de cohésion et de restauration de la confiance, entre les populations et l’autorité centrale, demeure le déficit de concertation et d’audace. Au niveau de l’évaluation comparée des performances en démocratie et droits humains, la Mauritanie devance, et de loin, la majorité de l’aire arabo-islamique mais je ne vois pas, là, un exploit, tant cet univers abrite, entretient et exporte les pires atteintes à la dignité de l’individu.
Majabat : Nous sommes aux portes d’un dialogue qui « n’exclut personne ni question ». Doit-on s’attendre à une exception dans ce genre d’exercice, contournant les préoccupations habituelles de la classe politique, pour insister davantage sur les thèmes plus larges, corrélés à l’amélioration de la gouvernance et à la résolution des attentes chez les exclus ?
– Le dialogue serait couronné de succès, si toutes les parties y vont avec sincérité et conscience de devoir sacrifier des concessions, aux fins d’obtenir un consensus, une formule de dépassement des contradictions structurelles : il importe de souligner, ici, le sexisme ambiant, les entraves à la citoyenneté en termes d’égalité d’accès aux droits, la résorption de l’impunité des crimes de masse à visée raciste, l’occultation de l’esclavage et l’usurpation du foncier rural, notamment aux dépens des autochtones travailleurs des champs.
Le problème concerne, non seulement les natifs de la Vallée du fleuve Sénégal mais, également, les descendants d’esclaves au centre et à l’Est de la Mauritanie. Beaucoup continuent à entretenir des parcelles arables dont les anciens maîtres détiennent les titres. Malgré l’ordonnance nº 83-127 portant réorganisation foncière et domaniale et en dépit de ses clauses de préemption au profit de ceux qui « font vivre » le sol, le texte, de facto, n’est pas appliqué à tous. Sur la majorité de l’espace hassanophone, la tenure traditionnelle est en vigueur. Les Hratine restent des ouvriers agricoles sans acte de propriété ; les conflits subséquents ne cessent de croître ; il subsiste, là, un risque de clivage belligène et le présage d’un effondrement de la communauté de destin, déjà en lambeaux, depuis 1978.
Il faudrait aussi régler – disons vider – le potentiel des contentieux liés à l’exploitation de la terra mortuis, ces espaces laissés à l’abandon que ne délimite aucune marque de colonisation ou de mise en valeur. Aujourd’hui, il est ardu d’aller s’installer sur un périmètre vacant et vierge de labour, sans obtenir l’autorisation préalable de la tribu qui en revendique la possession. Certaines vendent le visa d’installation, d’autres l’accordent par générosité ou nécessités de prestige. Néanmoins, à la moindre querelle avec les nouveaux venus, les voici sommés de quitter les lieux…Est-il normal de tolérer une telle concurrence au droit, un tel mépris envers l’autorité publique ? Voici un autre défi que le dialogue devrait désamorcer, sous peine de provoquer le regain de l’anarchie précoloniale, la fameuse Seyba ou raison du plus fort…
Cependant, gage de réussite oblige, les participants au dialogue, dans leur diversité, influenceraient le rapport des forces en participant au débat, sans poser de condition ni s’en faire dicter. Le principe – réitéré par le Président de la République – de ne pas censurer ni évincer – me semble le signe de prémices prometteuses. Le moment est venu de s’asseoir, tout déballer, discuter, s’écouter et de ne s’interdire nul compromis dès lors que le règlement proposé se réfère à la triple exigence : liberté-égalité-fraternité. Certes, la devise appartient à une autre nation mais elle résume bien, par sa prétention à l’universalité, le besoin d’équité et d’épanouissement qui habite l’espèce humaine, peu importent les frontières et le legs de la mémoire.
Majabat : Quels sont les conditions et les résultats les plus importants qui, s’ils étaient atteints, vous permettraient de constater le succès du dialogue ?
– Si le succès du dialogue devait requérir une attestation, celle-ci résiderait, par exemple, dans l’abrogation de la loi d’amnistie de 1993 et de l’article 306 du code pénal. Les deux infamies représentent un motif de honte pour la Mauritanie et reproduisent la violation la plus spectaculaire de ses engagements auprès du reste du monde, dûment signés, ratifiés et intégrés au préambule de la Constitution. Il ne faut pas oublier, non plus, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, que notre gouvernance viole si souvent, après son adhésion en novembre 2004.
Le texte et bien d’autres de facture similaire impliquent l’interdiction, aux civils de détenir des armes d’assaut ; nous pouvons comprendre qu’une communauté garde, dans son folklore, un rapport sentimental aux symboles – en l’occurrence les festivités – mais l’expression du patrimoine mémoriel exclut la détention de fusils à rafales ; en réalité, l’on assiste, ici, à une forme de discrimination dangereuse parce qu’elle consacre l’attribution d’un moyen de contrainte aux seuls maures ; l’autorisation implicite de milices à vocation militaire compromet les assises du pacte à l’origine de la création de la Mauritanie, pendant le congrès d’Aleg, en mai 1958.
Majabat : Le problème de la marginalisation et des exclus devient une préoccupation des pouvoirs publics. Quelle est votre lecture de la nature et de l’ampleur de ce problème et de ses relations avec l’histoire et les politiques de développement en Mauritanie?
-Je dois juste vous rappeler qu’à force de s’obstiner à négliger les enjeux de coexistence pacifique, ils vous reviennent à la figure ; vous avez beau dépenser de l’argent et des discours lénifiants dans l’espoir d’acheter le silence des victimes, vous ne parviendriez jamais à étancher leur soif de réparation. Dieu merci, il existe un minimum de justice internationale sur quoi nos gouvernants n’ont pas de prise ; le procès de Ely Ould Dah au sud de la France en 2005 et le renvoi récent de l’un de nos généraux, à peine nommé par les Nations unies au titre d’une mission de maintien de la paix, soulignent les limites du déni. Pourvu que le désaveu diplomatique serve à ouvrir les yeux, de nos dirigeants, quant à l’urgence de l’introspection et de l’autocritique.
Apprendre de ses erreurs relève de la salubrité mentale. Déjà, publier la vérité à propos de la tentative d’épuration, exécutée de 1986 à 1991, constituerait, à la fois, une thérapie et une prophylaxie, pour se prémunir du ressentiment et de la récidive. Nombre de hassanophones le croient encore, en 1989, Israël, le Maroc et le Sénégal se seraient ligués contre la Mauritanie, laquelle n’aurait dû sa survie qu’au soutien de Saddam Hussein (le bourreau des kurdes et des chiites). Cette légende tarde à s’éteindre car aucune autre version ne la concurrence.
Majabat : Parfois, surgit une polémique sur la marginalisation culturelle de composantes de la nation. Le sujet comporte-t-il une réflexion sur la coexistence entre ces composantes ? Quelle est sa relation avec la réticence à résoudre les choix linguistiques ?
– Surgir n’est pas l’adjectif approprié, il s’agit davantage d’une latence d’abus cumulés, sédimentés. L’arabisation idéologique -certains diraient « au rabais » -des années 1980, a été conçue pour écarter de la fonction publique et des forces armées et de sécurité, les groupes non-hassanophones (pulaar, soninké, wolof, bambara) afin de « faire de la place » ; à qui, donc ? Le calcul initial consistait à privilégier l’entrisme, dans l’appareil d’Etat, de générations émergentes d’étudiants et de cadres maures, formés à la hâte, aux confins du monde arabe ou allaités à la source d’un imaginaire hanté et saturé par les mythes du moyen Orient. Le plan ayant tardé à produire un effet radical en matière de remplacement – ou de substitution – des élites, les incidents frontaliers de 1989 avec le Sénégal, offraient l’opportunité d’accélérer la réalisation intégrale du dessein.
J’insiste, ici, sur le lien causal entre l’arabisation bas de gamme, la violence suprématiste, le règne de la corruption et de la fraude et l’avènement de l’extrémisme religieux dont la Mauritanie incarne, aujourd’hui, le principal vecteur d’expansion en Afrique de l’Ouest et plus loin. Je ne puis vous dire exactement combien d’apprentis-terroristes, y compris d’Afrique et d’Europe, viennent s’abreuver aux sources du fanatisme dans les nouvelles Mahadhras où l’enseignement de la poésie, de la généalogie et de la musique s’efface, désormais, derrière les cours de fiqh aljihad, l’étude des lois de la guerre sainte. Ces établissements, irrigués de pétrodollars depuis 4 décennies, participent à la radicalisation et maintiennent un racisme tacite envers les noirs d’ascendance subsaharienne.
Pire, les autorités ne disposent d’une base de données fiable sur le nombre de pensionnaires étrangers, leurs provenance et durée de leur séjour en Mauritanie. Les élèves, venus des 4 coins du monde, y apprennent, toujours, comment jouir de ses esclaves, se les partager en temps de travail selon la répartition de l’héritage ou soumettre les servantes au droit de cuissage. Oui, la Mauritanie actuelle n’est pas la destination rêvée pour un noir et le constat dépasse bien les questions de langue ou de culture.
Vous savez, si l’affaire de l’arabisation n’avait pas été instrumentalisée pour récompenser la médiocrité, diffamer le mérite et ralentir la dynamique de modernisation du pays, elle serait bien moins contestée aujourd’hui ; un entretien de presse ne saurait satisfaire à l’étude d’un enjeu aussi vaste. Nous en reparlerions, à l’occasion d’un ouvrage documentaire. Les témoins du déclin national sont légion, Dieu merci et la plupart gardent le souvenir de la descente aux enfers, enclenchée dès l’avènement du régime militaire. Je forme le souhait qu’ils écrivent, nombreux et se prêtent aux moyens de l’audiovisuel ; ainsi, ils nous épargneraient la perte de mémoire si propice aux braqueurs et contrefacteurs de l’histoire. Cette bataille du sens est en passe d’être gagnée par les révisionnistes ; s’ils remportent la partie, c’en serait fini du projet Mauritanie et de notre avenir commun. Si ces questions passionnelles ne sont pas résolues, notre ambition de développement ne dépasserait le stade de l’intention et nous perdrions du temps et de l’énergie en discordes, à l’infini.
Dans un contexte de diversité raciale et de polarisation identitaire, la tentation du monolinguisme mauritanien représente un piège. Plus vous y tendez, moins vous préservez la cohésion sociale de long terme. S’agissant de l’hystérie anti-Français, je souhaite bon vent à ses initiateurs. Qu’ils commencent à arabiser les contrats des mines et de l’énergie, les écoles de médecine et de pharmacie, le libellé des opérations bancaires, les documents de transit et les offres d’emploi dans le secteur privé…
Majabat : Le conflit social est perçu, maintenant comme ayant atteint un niveau de tension sans précédent. Considérez-vous, avec confiance, sa gestion par les autorités actuelles ? Avez-vous des espoirs ou des craintes à propos des possibilités de son développement conflictuel, dans le futur ?
– Le pouvoir du moment, sans le savoir ou s’en rendre compte, ploie sous le fardeau d’une psychologie spécifique que singularisent la superstition (baraka, tazabout, fétiches et amulettes, intercession, propitiation, culpabilité, rétribution post-mortem). La décision politique est, tributaire de considérations relevant tantôt de l’administration de l’invisible, tantôt de l’indulgence due aux notabilités, quelle qu’en soit l’ethnie.
A titre d’exemple, l’on a vu, par deux fois, à la commune de Dafort, dans le Guidimakha, des agents de la municipalité en train d’humilier et d’entraver de présumés fauteurs de dissidence, à la manière d’un bœuf promis à l’égorgement. L’Etat n’a engagé aucune poursuite contre les auteurs, pourtant filmés et audibles. Les critères de rationalité et de lucidité ne président pas toujours à la gouvernance actuelle en Mauritanie. Les nominations en conseil des ministres témoignent de la dérive. Seulement voilà, partout sur terre, une loi immuable cristallise le rapport des humains à la paix : la paix est une plante qui réclame sa rançon ; sa rançon est l’équité, c’est ainsi qu’elle s’arrose, jour et nuit ; sans équité, pas de stabilité.
Vous ne pouvez exiger, longtemps, de quelqu’un qu’il renonce à la révolte légitime et endure sa propre aliénation, en attendant le moment où vous lui consentiriez un peu de justice. Votre patience ne peut compenser sa frustration ; pire, elle l’exacerbe. Pour revenir à votre question, je crains, hélas, que les autorités en place n’aient pas assez compris le sens de la politique moderne : gouverner, à l’heure des théories complotistes et de la démocratisation des gadgets de la communication, réclame de la compétence, beaucoup de technicité, le sens de l’innovation, la réactivité et un sens élevé de la morale au service de tous, sans distinction ni préférence d’ordre privé. Un pouvoir qui ignore ce genre d’hypothèque, le minimise, mise sur la lassitude des gens ou escompte leur adaptation à l’injustice, finit piétiné sous les bottes de la soldatesque ou victime de lynchage par la populace. Le pire, dans le domaine du contrat social n’est pas d’en résilier les termes d’un commun accord.
Le danger procède, surtout, de la faculté de susciter une surcharge d’espoir et de la décevoir, en vulgarisant des actes de triche, de dol et de mauvaise foi. Personne ne se réjouit de se faire tromper et les Mauritaniens n’échappent à la règle, d’où que le ressentiment multidimensionnel plane, maintenant, sur la totalité du pays : il draine de l’amertume et le sentiment anxiogène d’avoir été floué et de subir le tâtonnement des dilettantes. Des révolutions engendrent la revanche sanglante et élèvent, au sommet de l’autorité, des populistes et des illuminés qui excellent à aggraver et canaliser l’aigreur et la hargne des multitudes, avant d’ériger une autre tyrannie. Un dirigeant instruit de ce genre de péril est appelé à l’éviter, pour sa propre sécurité d’abord, ensuite au nom de l’intérêt général.
A titre d’intuition, non de preuve empirique, j’accorde le bénéfice du doute au Chef de l’Etat et à quelques-uns de ses ministres. En revanche, je mets en cause la disponibilité d’une fraction de son entourage, à favoriser une refondation ambitieuse de la Mauritanie, sur des bases de distinction par le rendement, l’intégrité et la « redevabilité », au sens anglo-saxon du mot. Certes, la cour d’un prince, fût-il élu, évolue et se renouvelle et c’est dans cette perspective que je place le vœu d’un sursaut de scrupules, à l’abri de la pression de la rue et des menaces de sédition. Les femmes et hommes de qualité ne manquent pas, à l’intérieur du pays. Gouverner, n’est-ce pas prévoir ?
Or, prévenir suppose la conscience des afflictions à quoi votre mode de gouvernement vous expose, vous et le peuple dont vous avez recueilli les suffrages et nourri la crédulité. Si vous parvenez à affiner le sens de l’observation sociale et le goût de la vérité, au sein de vos collaborateurs, alors, vous êtes sauvés et l’imminence du salut mobiliserait vos compatriotes, avec l’intensité d’un élan collectif, d’un souffle de volontarisme qui annonce des lendemains enchanteurs. Je veux y croire. Contrairement aux apparences, le renouveau s’avère à portée des Mauritaniens, s’ils acceptent d’en payer le prix ; il n’est pas trop tard.
Majabat : Le Président de la République a récemment fait part de son mécontentement face au retard pris dans la mise en œuvre de son programme des nouvelles mesures de lutte contre la corruption. Comment voyez-vous ce « réveil tardif » ?
-Le Président exprime son mécontentement et nous devrions plutôt lui reconnaître le mérite de la sincérité mais l’intention, même charitable, ne change rien à la réalité du postulat : l’appareil d’Etat est tenu par les résidus recyclés du Prds. Tant qu’ils sont là, la plus ambitieuse des réformes tournerait toujours à la farce, entre leurs mains. Vous savez, à la longue, les meilleures fantaisies peuvent lasser.
Majabat : La Mauritanie compte une grande diaspora dans les pays de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (Cedeao), et d’énormes intérêts économiques au sein de cet espace ; pourtant ses relations avec cette organisation restent volatiles et en deçà du niveau requis ; Comment la situation affecte-t-elle les Mauritaniens, là-bas ?
-Vous oubliez de souligner que la Cedeao n’a pas chassé la Mauritanie. Nous en sommes sortis au motif de mieux nous arrimer à un l’Union du Maghreb arabe (Uma), un ensemble encore mythique. A présent, nos ressortissants en Afrique subsaharienne, principalement dans le Golfe de Guinée, endurent les conséquences du retrait : impossibilité d’ouvrir un compte bancaire, d’obtenir un permis de conduire, de se plaindre du racket, importations taxées, carte de séjour à 300 000 francs, à quoi s’ajoute une amende d’établissement illégal de 60 000 francs. Certains accords bilatéraux avec des pays membres nous assuraient les mêmes avantages que les nationaux ; hélas, la plupart de ces clauses n’ont pas été renouvelées. Le droit communautaire a pris le dessus. Nos compatriotes lésés se plaignent auprès de leurs ambassades et consulats.
Or, ceux-ci tardent à recevoir les consignes appropriées et naviguent à vue. Le moment est plus que venu de se montrer enfin adulte, pour revenir au point de départ, en somme une adhésion pleine et entière, à la Cedeao. Le fameux accord d’association ne semble pas produire une incidence réparatrice sur le sort de dizaines de milliers de mauritaniens expatriés. Persévérer dans l’erreur n’est pas signe d’intelligence….
Interview réalisée par Majabat
Politique : Quand la scène bégaie
Le Calame – La scène politique mauritanienne bégaierait-elle ? C’est la question que nombre d’observateurs et une partie de l’opinion ne cessent de se poser.
En effet, si l’élection du président Ghazwani suscita un grand espoir –c’était normal, après dix années de centralisation poussée, règne de la gabegie, crispation entre la majorité et l’opposition, monopole dans le domaine économique, recul des libertés… – ses deux années et demi de règne à mettre en œuvre ses engagements électoraux, dans un réel calme sur le front politique et la paix aux frontières, sont entrain de souffrir d’une espèce de manque de perspectives.
Les chantiers peinent à avancer. Incapacité du gouvernement à absorber les ressources financières qu’il a pu mobiliser auprès de ses partenaires et à faire exécuter les projets dans les délais prévus ?
Quoiqu’il en soit, les faits sont là et risquent fort de nuire à l’image du pays, comme l’a fait noter le ministre du Développement économique. Autre incapacité, nuisible, elle, à la paix sociale : l’impuissance à contenir la flambée démentielle des prix des produits vitaux, en dépit de l’embellie sur le front de la pandémie. Il s’y ajoute des cas présumés de mauvaise gestion dont la révélation, par la nouvelle IGE, ne se solde pas systématiquement par la chute des têtes impliquées.
Le Président n’avait-il pas déploré, il y a quelques mois déjà, les retards dans l’exécution de ses engagements électoraux? Pourquoi maintient-il toujours son cap et garde un silence intriguant ? Jusqu’à quand ? N’a-t-il pas les coudées franches pour sévir et changer de stratégie ? Attend-il que peuple change la sienne, en ne se contentant plus, lui, de grogner comme un chameau ?
2022 à l’affût… de 2023 ?
Le contexte interroge sur ce qui se passe réellement au sommet de l’État et au sein de l’opinion. Serait-il à l’origine de cette impression d’immobilisme que nous éprouvons depuis quelques années déjà ?
Il semble en tout cas bloquer le processus du dialogue où la majorité et le pouvoir paraissaient s’être engagés. Et voici l’opposition accusée de se murer dans un silence complice depuis l’arrivée au pouvoir de l’actuel Président obligée de retrouver sa langue. Dans un communiqué publié le 22 Février, elle n’a pas « raté », comme on dit, le pouvoir. Alors que ses éléments « traditionnels » de langage étaient jusque-là quasiment sortis de notre arène politique, la voilà à s’alarmer de la situation économique et sociale critique, des citoyens qui peinent à chauffer la marmite et de l’incapacité du gouvernement à endiguer la spirale des prix en hausse constante depuis plus d’un an. Et de dénoncer, au plan politique, des obstructions au dialogue en gestation, malgré sa main tendue et sa patience.
Après avoir accepté le principe des concertations avec l’opposition, le président de la République tarde en effet à donner suite à la proposition commune de la majorité et de l’opposition de s’en remettre à sa sagesse pour désigner une personnalité consensuelle à la présidence du comité de dialogue. Pourtant le démarrage fut, à plusieurs reprises, donné pour imminent et récemment par le PM devant le Parlement. Espère-t-on Godot ?
C’est dans cette ambiance d’attente que s’est tenu, vendredi dernier, le Conseil national de l’UPR à l’ancien Palais des congrès. Alors que des rumeurs évoquaient des changements au sein de ce principal parti de la majorité – départ de son président pour une autre destination, entre autres – le conclave s’est juste contenté d’entendre le bilan des deux années passées, marquées, comme on le sait, par la pandémie COVID 19.
Ould Taleb Amar a d’abord réitéré le soutien du parti au président de la République et à son gouvernement, avant de les féliciter de l’état d’exécution des engagements du premier et de passer en revue les réalisations du parti : soutien à la lutte contre le COVID, sensibilisation des populations, redynamisation des structures, organisations d’ateliers, séminaires et du méga-meeting au lendemain du discours de Ouadane sur l’équité.
Et de conclure en indiquant simplement que le parti poursuivra ces actions par un travail politique de proximité et redynamisation de ses instances. Manière de déblayer le terrain pour les prochaines élections municipales, législatives et régionales de 2023 ?
Dalay Lam
Le choix du laxisme ?
La fuite, la semaine dernière de deux personnes arrêtées pour trafic de drogue et incarcérées à la maison d’arrêt « COVID » – séjour temporaire, pendant deux semaines, des nouveaux prisonniers pour s’assurer qu’ils ne sont malades – pose le lancinant problème de l’impunité et des complicités à tous les niveaux dont jouissent ces Pablo Escobar locaux. Foultitude de questions : comment expliquer qu’au lieu d’aller directement en prison, après les deux semaines obligatoires de confinement, ces deux veinards soient restés six mois à se la couler douce dans une villa bien aménagée avant de prendre la poudre d’escampette ? Qui a protégé ces deux lascars ? Jusqu’à quel niveau ont-ils bénéficié de complicités ? Pourquoi ne mène-t-on pas une enquête approfondie pour sanctionner les fautifs, quels qu’ils soient, pour que ne se reproduise plus jamais ce genre d’« évasion » rocambolesque ? Au cours de la dernière décennie, la Mauritanie était déjà devenue championne du monde de l‘élargissement sans frais de trafiquants en tout genre. Plusieurs opérations d’envergure au cours desquelles de grandes quantités de drogue avaient été saisies et des trafiquants arrêtés finirent en eau de boudin. Épinglés après plusieurs mois de traque, de célèbres noms n’ont pas fait de vieux os en prison. Cherchez l’erreur.
Ce n’est pas un hasard si l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime cite notre pays parmi ceux par lesquels transite la drogue en provenance du Maroc pour être acheminée en Europe. Cité par le journal français « La Croix », Amado Philip de Andrès, directeur régional pour l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale de l’ONUDC, tire la sonnette d’alarme :« La situation est hors de contrôle. Profitant de l’effondrement du Sahel, la circulation de la drogue n’a jamais été aussi dynamique sur le continent ». Faut-il s’en inquiéter ou au contraire continuer à faire preuve de laxisme ? Le choix est apparemment fait…
Ahmed Ould Cheikh
Coalitions et Partis de l’Opposition Démocratique : Communiqué de presse
À l’issue de leur réunion, tenue hier au siège du parti Tawassoul, les Coalitions et Partis de l’Opposition Démocratique signataires, récusant toute responsabilité quant au retard constaté dans le lancement du dialogue :
– réaffirment leur déclaration du 22 février, dans son contenu et sa forme ;
– jugent que rien ne justifie plus le retard enregistré dans la désignation du président et la mise en place de la commission préparatoire du dialogue, sur la base des règles convenues dans la réunion du 27 octobre 2021 ;
– rappellent qu’en ce qui les concerne, ils ont procédé à la désignation de leurs représentants à ladite commission, depuis quelques semaines ;
– réitèrent leur attachement au dialogue, en tant que choix stratégique, en vue de parvenir à un large consensus sur les questions nationales fondamentales, ouvrant ainsi la voie à plus de stabilité, de démocratie et de développement ;
– décident de la mise en place d’une commission en charge de faire la réévaluation de la situation politique, sociale et économique du pays depuis l’avènement de l’actuel pouvoir.
Nouakchott, le 25 Rajab 1443 – 27 Février 2022
Les Coalitions et Partis signataires
Coalition Vivre Ensemble (CVE)
Coalition Vivre Ensemble/Vérité et Réconciliation (CVE/VR)
Rassemblement des Forces Démocratiques (RFD)
Rassemblement National pour la Réforme et le Développement (TAWASSOUL)
Union des Forces du Progrès (UFP)
Union Nationale pour l’Alternance Démocratique (UNAD)
Le médiateur quitte le Mali, sans date d’élections, selon un diplomate
TV5 MONDE – Le médiateur ouest-africain pour le Mali, le Nigérian Goodluck Jonathan a quitté Bamako vendredi, après deux journées de discussion avec la junte malienne, sans avoir pu obtenir d’accord sur une date pour les élections, selon un diplomate.
“Le séjour de la délégation est terminée. Mais elle n’est pas revenue avec un calendrier électoral”, a dit à l’AFP un diplomate de la Communauté des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a requis l’anonymat.
Selon la même source, la délégation emmenée par l’ancien président nigérian “devrait revenir dans quelques semaines” et “les discussions se poursuivront”.
La délégation est repartie vers Accra pour rendre compte au président ghanéen Nana Akufo-Addo, dont le pays assure la présidence tournante de la Cédéao.
Un officiel malien ayant pris part aux discussions a confirmé à l’AFP le résultat des discussions: “nous n’avons pas donné de date pour les élections. Ce n’était pas possible. Mais l’ambiance de travail était très bonne et les discussions se poursuivront”.
L’ancien président nigérian qui s’est entretenu jeudi et vendredi avec plusieurs responsables de la junte malienne, dont le président de la transition, le colonel Assimi Goïta, a promis jeudi soir de “continuer la conversation” avec les Maliens.
Vendredi à Bamako, plus d’une centaine de manifestants étaient rassemblés en soutien aux autorités de transition.
Dans un document que l’AFP a pu consulter jeudi, un comité technique de la Cédéao propose l’organisation de scrutins dans un délai de 12 ou 16 mois, avec l’aide d’une Autorité indépendante de gestion des élections (Aige).
Le médiateur avait appelé à une transition démocratique dans “les plus brefs délais”, au lendemain de l’approbation d’un plan permettant à la junte militaire de rester au pouvoir pendant cinq ans.
L’organe législatif au Mali, contrôlé par les militaires depuis le coup d’Etat d’août 2020, avait entériné lundi une période de transition pouvant aller jusqu’à cinq ans avant la tenue d’élections.
Le Mali, pays pauvre et enclavé au coeur du Sahel, a été le théâtre de deux coups d’Etat militaires en août 2020 et en mai 2021. La crise politique va de pair avec une grave crise sécuritaire en cours depuis le déclenchement en 2012 d’insurrections indépendantiste et jihadiste dans le nord.
AFP